Deux ONG déposent un recours contre la cellule Déméter
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Pollinis et Générations futures souhaitent la suppression de la cellule Déméter mise en place en octobre 2019 pour lutter contre les infractions commises à l’encontre des agriculteurs. Pour ces ONG, elle marque le lien entre la FNSEA et le Gouvernement et une atteinte à la liberté d’expression. Didier Guillaume affirme le contraire. Explications.
Le recours a été déposé le 10 avril devant le tribunal administratif de Paris par les associations Pollinis et Générations futures. Objectif : obtenir l’annulation de la convention de partenariat entre le ministère de l’Intérieur, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs dans la mise en oeuvre de la cellule Déméter. Cette dernière permet de suivre et prévenir les infractions commises chez les agriculteurs : cambriolages, vols, dégradations, etc. Depuis sa mise en place en octobre 2019 par la gendarmerie nationale, cette cellule ne convainc pas tout le monde, notamment certaines associations environnementales.
Le ministère de l’Intérieur, François Castaner, justifiait cette création par la hausse du nombre d’atteintes à l’encontre des agriculteurs, au nombre de 15 000 entre janvier et novembre 2019. Une cinquantaine de personnalités ont déjà demandé le démantèlement de Déméter dans une tribune publiée le 15 janvier. Nadine Lauverjat, coordinatrice de l’ONG Générations futures, fait partie des signataires. « Nous craignons un glissement, et que les actions pacifiques soient réprimées, et par là notre droit à faire valoir nos idées pour une agriculture différente », indique-t-elle à Référence agro.
Violences et infractions unanimement condamnées
Pour certaines associations, cette convention marque une connivence entre la FNSEA et le ministère de l’intérieur et un mauvais signal quant à la capacité du gouvernement à porter des idées différentes de celles du syndicat majoritaire pour l’avenir de l’agriculture française. Une hypothèse balayée par Étienne Gangneron, en charge du dossier à la FNSEA, contacté par Référence agro : « Nous avions déjà des liens avec la gendarmerie avant Déméter sur la thématique de la sécurité. Et nous disposons du plus vaste réseau de terrain. Il est cohérent que la gendarmerie s’appuie sur nous. »
La plupart des réfractaires à la cellule Demeter condamne toutefois unanimement les violences et les infractions. Nadine Lauverjat se désolidarise « clairement de toute action violente ».
Pesticides et Déméter, ne pas mélanger les débats
Générations futures estime que Déméter contribue à monter en épingle la notion d’agri-bashing. « Elle permet à l’industrie d’éviter toute remise en cause de ses pratiques, notamment l’augmentation chaque année de l’utilisation de pesticides dangereux pour la santé des riverains », analyse François Veillerette, directeur de Générations futures. Une critique rejettée par Étienne Gangneron : « Faire évoluer l’agriculture, et de quelle manière, c’est un débat que nous sommes prêts à avoir, mais ça n’a aucun rapport avec Déméter. Dans mon département, la gendarmerie a organisé des formations pour les agriculteurs, sur les mesures simples de surveillance et de sécurisation des fermes. Comment peut-on s’opposer à cela ? »
La FNSEA insiste sur le fait que tous les agriculteurs peuvent profiter de Déméter, quel que soit leur mode de production ou leur encartage syndical. « Il ne faut évidemment pas considérer que cette cellule de gendarmerie règle tous les problèmes du secteur, indique-t-il. Naturellement, nous sommes attentifs à ce que le gouvernement ne s’en contente pas. »
« La liberté de tous »
Le 23 janvier, lors de ses vœux à la presse, Didier Guillaume a réaffirmé l’intérêt de Déméter, dont la fonction rentre, selon lui, clairement dans les prérogatives de l’État : « Le fait d’avoir des revendications est légitime, mais la sérénité et l’apaisement sont indispensables. Je pense que chacun peut s’exprimer en France, les ONG peuvent dire ce qu’elles ont à dire. Déméter n’est pas une remise en cause de la liberté, mais au contraire, elle doit permettre à la liberté de chacun d’être exercée. »
Le recours, déposé par Corinne Lepage pour les deux associations, dénonce « l’atteinte à la liberté de communication et au secret de l’instruction et des enquêtes ». Mais également « la rupture d’égalité entre les syndicats agricoles représentatifs et la délégation grave des missions de police administrative à des acteurs privés ».