Dominique Potier défend une résolution européenne pour rendre les mesures miroirs effectives
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Dominique Potier a présenté, le 5 novembre 2024, une proposition de résolution européenne, PPRE, visant « l’adoption et la mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’UE ».
que vous portez ?
Cette PPRE est issue d’une commission d’enquête sur les pesticides, que j’ai conduite au nom du groupe socialiste et rendue fin 2023. Une des grandes questions qui a traversé nos travaux était comment engager le Green Deal, et la transition écologique, avec le moins de pesticides possibles pour la santé des hommes, des animaux et des sols, avec une concurrence déloyale, des producteurs de pays tiers utilisant ces produits interdits chez nous. Au-delà du Mercosur, nous avons réfléchi aux échanges commerciaux existants entre des pays tiers et l’UE. Dans les échanges actuels et à venir, sont invoquées en permanence les mesures miroir, comme une sorte d’antidote magique. Nous nous sommes rendu compte qu’il y en a finalement très peu et qu’elles sont très mal appliquées.
Le cœur de la PPRE est de dire qu’il faut que les mesures miroirs soient effectives. Notre proposition phare, qui n’est pas l’unique bonne réponse à apporter, mais qui peut permettre cela : l’inversion de la charge de la preuve. Nous proposons une certification des modes de production réalisés par un organisme indépendant agréé par l’UE. Un ensemble de pratiques devraient être, en réciprocité des pratiques européennes, imposées via une certification. Ceci permettrait de mettre sur un pied d’égalité les producteurs, recréer un contexte de concurrence plus loyale, et surtout un principe de moindre impact, d’une part pour les consommateurs européens, et d’autre part pour les sols, l’eau et les travailleurs de la terre dans les pays tiers.
Nous avons rajouté quatre autres propositions, qui ne sont pas de la même puissance d’innovation, mais reprises à l’époque par Elisabeth Borne dans les conclusions de la commission d’enquête :
- la limite résiduelle zéro pour les produits importés. Il y a aujourd’hui des tolérances à l’importation qui nous semblent totalement déplacées, liées à des logiques de commerce et pas du tout à des logiques de santé ou d’environnement ;
- l’accélération des processus d’harmonisation des pratiques environnementales entre les pays de l’UE ;
- un principe de réciprocité, visant la fin de l’exportation des substances interdites au sein de l’UE. Les produits interdits dans l’UE ne peuvent plus être exportés, mais cela est encore possible pour les substances. C’est une manière de dire que notre PPRE n’est pas protectionniste, mais plutôt responsable ;
- enfin, l’extension du domaine de l’affichage environnemental en termes de nationalité. Des progrès ont été faits sur certains produits, mais nous voudrions augmenter la gamme des produits pouvant afficher une origine France lorsque cela est possible.
Toutes ces démarches relèvent de l’autorité européenne. En adoptant cette PPRE à l’Assemblée nationale, mon objectif est d’écrire un courrier à l’ensemble des députés européens dès la semaine prochaine, pour leur dire « À vous de jouer ». Notre victoire serait l’interpellation du Parlement européen et des commissaires concernés. Le Mercosur est une véritable provocation. La France doit non seulement condamner formellement cet accord mais surtout s’engager à ce qu’on ne découple pas l’accord commercial et l’accord politique afin que le Mercosur reste un accord mixte, pour que sa ratification requière l’unanimité des États membres.
Beaucoup d’acteurs et d’analystes estiment l’agriculture comme une « monnaie d’échange » au sein du Mercosur. Comment percevez-vous la situation ? Est-ce que cela peut changer ?
L’annonce des compensations est une très mauvaise nouvelle. Cela confirme d’abord que notre agriculture va être pénalisée dans le Mercosur, et puis ensuite que l’accord est en voie d’être signé. On ne compense pas le désordre structurel que vont induire 99 000 tonnes de bœufs en plus sur notre territoire. Les effets déforestation et déprises sur les prairies en France n’ont pas de prix, puisque cela touche aux limites planétaires. Le Mercosur est une bombe à fragmentation, qui va détruire du climat, de la biodiversité et une sorte de confiance du monde paysan. C’est une profonde trahison de la perspective du Green Deal.
L’acceptation du Mercosur est de fait une fragilisation du Green Deal. C’est une course mortifère à la compétitivité, par le coût du travail et la dégradation des conditions environnementales.
Les mesures miroir et la réciprocité occupent une place centrale dans votre PPRE. Mais plusieurs rapports notent, dans le cadre du Mercosur par exemple, que le Brésil ne pourrait pas, dans tous les cas, respecter ces mesures réciproques. Comment rendre cela efficient à l’échelle internationale ?
Ce sont les conclusions de la DG Santé de la Commission européenne, le Brésil n’aurait pas les moyens de répondre à nos exigences. Le Brésil n’est pourtant pas la puissance publique la plus faible de nos partenaires commerciaux. Nous comptons des partenaires encore moins équipés de services vétérinaires, moins bien protégés de la corruption, ayant la rigueur scientifique développée dans les démocraties européennes. C’est une raison de plus pour que notre proposition prospère, celle d’une certification par un organisme privé, agréé par l’Union européenne. Cette modélisation existe déjà en bio, puisqu’il existe plusieurs organismes qui certifient la filière internationale, et cela fonctionne.
Il faut étudier cette organisation, la mesurer. Si les mesures miroirs peuvent justifier l’extension du commerce international, il faut que ce soit de vraies mesures miroirs. Pour reprendre l’exemple du bio, il y a ce petit mécanisme de certification en cascade, et aussi le commerce équitable qui, de façon privée, garantit des labels d’accords. Deux questions se posent alors : est-ce réaliste du point de vue juridique et économique ? Sur le premier aspect, cela est compatible avec les règles de l’OMC. Sur le second, ça l’est également, par la mutualisation des certifications. Nous certifions un territoire, un ensemble d’exploitation. Via Campesina a voulu savoir si cela pénaliserait les petits producteurs. L’exemple du commerce équitable tend à dire que non, puisqu’ils ont trouvé les moyens d’aller chercher des petits producteurs de café, de cacao, d’arachides, capables d’être certifiés dans des labels équitables et bio sans que cela ne ruine leur modèle économique. Nous encouragerons même que cela devienne un des axes des politiques de développement conduites par la France.