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Dominique Potier : « Un tiers des fermes françaises certifiées HVE en 2030, c'est possible »

Le | Politique

Référence-environnement : Le plan biodiversité du gouvernement met en avant l’objectif de 50 000 fermes au niveau trois de la certification environnementale (HVE) en 2030. Une ambition qui doit vous satisfaire.

Dominique Potier : Je note que les discussions des EGA ont apparemment inspiré Nicolas Hulot. Je me réjouis effectivement qu’il en fasse un atout vis-à-vis de la biodiversité. La HVE, est aussi un moyen d’éviter une quantité considérable de problèmes liés à la qualité de l’eau et de l’air, mais aussi bon nombre de soucis de voisinage. Autant d’enjeux pour lesquels les réponses curatives coûtent cher, économiquement, mais aussi en termes d’image.

R.E. : Cet objectif vous semble-t-il réaliste ?

D.P. : Selon moi, l’agriculture française de 2030 doit viser le paysage suivant : un tiers des surfaces en bio, un tiers en haute valeur environnementale, un tiers en conventionnel. C’est ambitieux, mais pas hors de portée. Les produits conventionnels viseraient alors notamment les débouchés internationaux. Le bio doit trouver son équilibre, certaines filières étant potentiellement exportatrices, d’autres importatrices. Quant aux produits HVE, ils ont plutôt une résonnance nationale.

R.E. : Comment conférer à la HVE une telle assise ?

D.P. : Beaucoup d’exploitations développent déjà des pratiques vertueuses, mais parfois difficiles à valoriser. La HVE est le moyen de mettre en avant les efforts déjà consentis mais insuffisamment reconnus, de capitaliser sur les démarches existantes. Elle est amenée, à mes yeux, à devenir un repère public de référence face aux multiples normes et cahiers des charges privés, qui tendent à perdre aussi bien les agriculteurs que les consommateurs.

R.E. : Cela suggère que l’ensemble des acteurs des filières se l’approprient.

D.P. : Oui. En ce sens, il me semble essentiel, dans la loi Égalim, de n’intégrer dans les 50 % de produits durables dans l’approvisionnement de la restauration collective, que le niveau 3 de la certification environnementale. La contractualisation avec des communautés de communes ou des métropoles servant chaque jour de nombreux couverts, rendra la HVE attractive pour les agriculteurs. Je pense que les distributeurs doivent également se l’approprier, en faire un argument « système ». Ne pas seulement dire « nos rayons X ou Y sont issus de fermes HVE », mais aller jusqu’à mettre en avant un approvisionnement totalement HVE.

R.E. : La coexistence avec le bio, qui fait aujourd’hui référence, pose-t-elle question ?

D.P. : Le bio suit sa propre trajectoire, avec une demande et des conversions dynamiques. La HVE doit devenir un moteur équivalent pour l’agriculture, mais il n’y a pas d’antagonisme. La bio restera la référence claire pour les produits alimentaires, la HVE devenant à terme une marque territoriale de l’agro-écologie.

R.E. : Vous évoquiez une résonance nationale pour la HVE. Pourrait-elle, selon vous, prendre une dimension européenne ?

D.P. : Pourquoi pas. Nous pouvons imaginer en faire, à terme, une reconnaissance européenne. Ce serait un moyen de redonner du sens à la Pac et une substitution avantageuse aux MAE, souvent perçus comme complexes, avec des normes imposées. La HVE fixe des objectifs, mais laisse une marge de manœuvre quant aux moyens pour les atteindre. Elle réconcilie puissance publique et esprit d’entreprise.