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Du monde agricole aux ONG, l’arrêté sur les ZNT au coeur des critiques

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Le malheur des uns fait le bonheur des autres, entend-on parfois. En ce qui concerne le projet d’arrêté sur les zones de non-traitement (ZNT), définissant les distances entre les zones d’épandage et les zones d’habitation, le mécontentement semble pourtant unanime. Mis en consultation le 9 septembre pour trois semaines, ce texte prévoit la mise en place de zones de cinq à dix mètres selon la hauteur des cultures et la dangerosité des molécules. Des distances pouvant être rabaissées, respectivement, à 3 et 5 mètres, dans le cadre de chartes d’engagement entre les résidents et les agriculteurs.

Un projet « inacceptable » pour le secteur agricole

« Inacceptable ! » La réaction de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) ne s’est pas faite attendre. « Le pragmatisme doit l’emporter sur les positions dogmatiques : les distances ne sont en aucun cas une réponse à la nécessaire protection des riverains », assure-t-elle dans un communiqué. Même son de cloche au sein de l'Association générale producteurs de blé (AGPB), dont le président Éric Thirouin se demande si c’est « la mort de l’agriculture française » qui est souhaitée. « L’empilement des contraintes devient insupportable pour les producteurs de grandes cultures. Le nombre de substances actives phytosanitaires autorisées a diminué de deux tiers en moins de 20 ans. [Ces zones] engendreraient des pertes de surface inouïes pour les d’agriculteurs, de l’ordre de 20 % des surfaces agricoles selon les régions », rappelle-t-il. Plusieurs acteurs du secteur agricole soulignent, dans ce sens, la raréfaction des terres arables, du fait notamment de l’artificialisation des sols.

La protection des riverains, exigence lors de l’homologation

De son côté, la Coordination rurale a tenu à rappeler que les produits phytosanitaires utilisés par les agriculteurs sont autorisés et que leur épandage est de plus en plus précis, grâce notamment à des buses anti-dérive. « Les produits que nous utilisons impliquent des zones tampons. Nous les respectons. Il existe aussi des zones sans traitement pour la protection des cours d’eau. Nous sommes donc radicalement opposés à l’instauration de nouvelles ZNT », a ainsi réagi son président, Bernard Lannes.

L'Union des industries de protection des plantes (UIPP) fait, quant à elle, valoir que la protection des riverains est « une exigence majeure lors de l’homologation d’un produit de protection des plantes en Europe ». Et de rappeler que l’utilisation de ces produits est déjà interdite en France dans les espaces accueillant des enfants, et à moins de 50 mètres des bâtiments d’accueil de personnes vulnérables (âgées, handicapées, malades).

Des distances insuffisantes pour les ONG

Si le secteur agricole ne cache pas sa colère face au projet d’arrêté, le compte n’y est pas plus dans les rangs des ONG. Pour France nature environnement (FNE), les ZNT proposées par l’arrêté sont loin d’être suffisantes. « Les mesures du décret et de l’arrêté ne sont pas à la hauteur des enjeux », renchérit Générations futures. L’association rappelle sa revendication de zéro pesticide de synthèse à moins de 100 mètres de tous les lieux de vie. Et va même plus loin en dénonçant, dans un rapport daté du 10 septembre « les carences » de la méthodologie d’évaluation, « obsolète et limitée » de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)… le gouvernement ayant précisé avoir rédigé l’arrêté à partir des préconisation de l’agence.

Le secteur agricole met l’accent sur les chartes de riverains

Dans ce cadre, et face à ce projet qu’ils refusent, de nombreux acteurs du secteur agricole préfèrent souligner les efforts entrepris pour élaborer des chartes, localement, en concertation avec les riverains. « Les discussions entre les agriculteurs et les habitants devaient s’organiser dans le cadre des chartes riverains, ce qui a déjà abouti à plusieurs consensus dans certains départements », explique Éric Thirouin. Un point de vue partagé par la FNSEA, qui regrette néanmoins que ces initiatives ne fassent pas l’objet de plus de « considération ». Mais pour la Confédération paysanne, ces chartes sont une « fausse solution par excellence ». Pour le syndicat, l’urgence est plutôt à la mise en place d’une « vraie politique publique de sortie des pesticides ».