Eclairage - TTIP : pour la France, il n’y a pas d’urgence à signer
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Le treizième round de négociations entre Américains et Européens s'est ouvert le 25 avril. Trois ans que les discussions autour du traité transatlantique de libre échange ont débuté. Quels sont les enjeux de ce Tafta (ou TTIP) ? Quelle est la position de la France ? Pourquoi l'agriculture est-elle au cœur des débats ?
Le plus grand accord commercial au monde. Le Tafta (TTIP en anglais), en cours de négociation depuis juin 2013, prévoit la levée de certaines barrières douanières et réglementaires entre les États-Unis et l'Europe. Objectif : faciliter les échanges commerciaux entre les deux continents en faisant converger les normes. S'il voit le jour, cet accord serait le plus grand accord commercial au monde, touchant un marché potentiel de 850 millions de consommateurs.
Méfiance contre espoir. Le texte, négocié par l'Union européenne pour le compte des 28 pays membres, suscite méfiance et inquiétude en raison de l'opacité qui entoure les négociations. Pour les fervents défenseurs du projet, cette ouverture du marché américain créerait de l'emploi en Europe, relancerait la croissance en facilitant les exportations de nos produits et l'installation d'entreprises européennes outre-Atlantique. Mais l'inverse serait également vrai. Des études montrent que le pouvoir d'achat des européens augmenterait. Mais d'autres sources affirment, chiffres à l'appui, le contraire.
Barack Obama est pressé. Le président américain aimerait que les négociations aboutissent d'ici la fin de l'année, avant la fin de son mandat en janvier 2017. Les candidats à sa succession, aussi bien démocrate que républicain, ne cessent de tacler le libre échange tandis que de plus en plus d'Etats membres affichent leur scepticisme.
En Europe, seule Angela Merkel semble enthousiaste. La chancelière allemande a déclaré qu'il fallait « utiliser la chance de cette fenêtre de tir serrée » pour signer l'accord. En Allemagne, le grand gagnant serait la puissante industrie automobile. Une opportunité pour certains de s'imposer sur le marché mondial avant que la Chine ou l'Inde ne le fasse. Alors que les Pays-Bas réclament un référendum sur le sujet, les autres pays, à l'image de la Grande-Bretagne, se font peu entendre.
Les politiques français, unanimes. Pour la France, il n'y a aucune urgence à signer ce traité. Manuel Valls, le premier ministre l'a réaffirmé : « Je veux être très clair : ce traité ne pourra pas aboutir s'il ne garantit pas le niveau d'exigence que nous avons en France pour la santé et l'environnement de nos concitoyens ».
L'agriculture, au cœur des discussions. Importations d'OGM, de bœufs traités aux hormones, de poulets chlorés, risque de voir les américains produire du Brie de Meaux… Les peurs sont nombreuses. Les agriculteurs - et le grand public - veulent être rassurés. Les politiques semblent l'avoir entendu. Pour Stéphane Le Foll, pas question de signer l'accord pour l'instant : « on est loin du compte » précisant qu'« il y a des points durs sur lesquels la France ne cédera pas ». Impossible par exemple de « brader ce qui fait la construction de notre agriculture que ce soit sur la bio ou sur les IGP ». La France n'aurait, au final, rien à perdre à quitter des négociations qui ne lui sont pas favorables. Si les échanges sont menés au niveau européen, le désengagement de la France rendrait leur poursuite aléatoire. Le gouvernement aurait lui, tout à gagner sur le plan politique, à refuser un accord de plus en plus impopulaire.