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Écophyto, le CNB appelle à développer « l’identification des effets négatifs des pesticides »

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Trois réunions de travail en novembre et décembre 2023, une séance plénière le 4 janvier 2024, et un vote six jours plus tard. Après un mois et demi de consultation, le Comité national de la biodiversité (CNB) vient de rendre son avis, consulté par Référence Agro, sur la « stratégie Écophyto 2030 ».

Agnès Pannier-Runacher lance, ce 15 mars 2024, un cycle de réunions pour comparer les réglementation - © D.R.
Agnès Pannier-Runacher lance, ce 15 mars 2024, un cycle de réunions pour comparer les réglementation - © D.R.

Le plan Écophyto 2030 n’en finit pas de faire couler de l’encre. Saisi le 27 novembre 2023 pour une consultation sur la nouvelle version du projet gouvernemental, le Comité national de la biodiversité (CNB) vient de rendre son verdict , après un vote en guise de validation survenu le 10 janvier 2024 (62 votes pour, 1 vote contre, 18 abstentions). Le moins que l’on puisse dire, c’est que le CNB avait des remarques à faire. Dont certaines critiques : le comité reproche ainsi à la stratégie Écophyto 2030 d’avoir été menée « sans ouverture à l’ensemble des parties prenantes, avec in fine peu de temps pour la concertation. (…) Le CNB, comme d’autres instances consultatives, aurait été à même de construire une contribution et des propositions utiles en amont du travail d’écriture du projet ». 

Parmi les premières recommandations du CNB : celle de la mention des produits agricoles et non-agricoles utilisant les mêmes substances actives que les produits phytosanitaires déjà cités par le plan Ecophyto. Le comité prend en exemple les produits vétérinaires, les désinfections ou encore les médicaments, et invite à « indiquer les autres stratégies mises en œuvre sur l’ensemble de ces produits pour réduire l’exposition globale ». Concernant les pesticides susmentionnés, les auteurs de l’avis regrettent une prise en compte « minorée » de leur impact sur les écosystèmes naturels : « Pour le CNB, l’identification des effets négatifs des pesticides et de leurs métabolites sur la biodiversité doit être développée dans la version finale de la stratégie ». 

Développer des solutions alternatives

Dans le même temps, le comité encourage l’émergence de techniques alternatives, reprochant au plan Écophyto un « manque d’ambition » sur ce volet. « Sous-entendre une prétendue absence de solutions est une méthode éprouvée pour éviter d’agir efficacement, et constitue une base défaillante pour une nouvelle stratégie Écophyto 2030 dont on est en droit d’attendre des résultats différents des précédents plans », enchaîne le CNB. Qui conteste que le frein majeur à la réduction des pesticides soit lié à un manque de connaissances : « La baisse de l’usage des produits phytosanitaires est avant tout un problème économique au sens large », fait-il savoir.

Dans son premier axe (« Accélérer la recherche d’alternatives pour se préparer à la réduction du nombre de substances actives autorisées »), le CNB encourage la mise au point de techniques pour anticiper le retrait de produits phytopharmaceutiques. En ce sens, il souhaite miser sur « la reconception des systèmes de production plutôt [que sur] la recherche de solutions de substitution », appelant à une approche globale de la protection des cultures. Le comité aspire d’ailleurs à « renforcer le cadre européen d’évaluation du risque et d’approbation des substances, et [à] l’homogénéisation des procédures d’autorisation de mise sur le marché des produits ». Pour les échanges extracontinentaux, le CNB pousse en faveur de l’adoption de clauses miroirs « afin de lutter contre les distorsions de concurrence ».

Un dissensus sur la séparation conseil/vente

Dans son deuxième volet (« Accélérer le déploiement dans toutes les exploitations des solutions agroécologiques »), le CNB se veut moins critique, approuvant, par exemple, la relance des certificats d’économie des produits phytosanitaires, ou encore la mise en place d’un « système de connaissance intégré » à la disposition des agriculteurs. L’attachement au principe de séparation du conseil et de la vente laisse entrevoir, quant à lui, un dissensus au sein du comité, 49 membres votant en faveur de cette formulation, pour huit votes contre et 14 abstentions.

Le CNB recommande d’intégrer, dans le troisième axe du plan (« Mieux connaître et réduire les risques pour la santé et pour l’environnement de l’usage des produits phytopharmaceutiques »), la surveillance de la faune, de la flore sauvage et de la fonge. « En particulier, le réseau 500 ENI 6, qui était une action du plan Écophyto 2+, aurait toute sa place ici », ajoute le projet d’avis. Nouveau dissensus concernant l’application des ZNT : si 42 voix se sont exprimées en faveur d’un cadre juridique davantage protecteur pour les riverains, neuf autres regrettent « des distorsions de concurrence pour les agriculteurs français par rapport à leurs voisins européens ».

Des doutes quant à l’objectif de 50 % de pesticides en moins d’ici à 2030

Le quatrième pan est consacré à la recherche, l’innovation et la formation, et mise sur l’implication d’un public plus large que le seul monde agricole. Agents de collectivité et d’établissements publics, salariés des entreprises, Éducation nationale… Le CNB compte sur l’enseignement du plus grand nombre de pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement. Un cinquième et dernier axe, portant sur la territorialisation, la gouvernance et l’évaluation, renouvelle pour sa part l’objectif des 50 % de pesticides en moins d’ici 2030, bien que certains membres du CNB, plus dubitatifs, plaident pour une réintégration du « si possible » dans le plan Écophyto 2030.