Ecophyto, des résultats « bien en deçà des objectifs » pour la Cour des comptes
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Dans un référé rendu public le 4 février, la Cour des comptes dresse le bilan, sur leurs dix premières années, des plans Ecophyto. Pour les experts de l’instance, le compte n’y est pas : « Les résultats observés sont très en deçà des objectifs fixés. » Le document souligne d’ailleurs les nombreux reports d’échéance, suite à la non-tenue des calendriers. « L’objectif initial de diminution du recours aux produits phytopharmaceutiques de 50 % en dix ans, reporté en 2016 à l’échéance 2025, assorti d’un objectif intermédiaire de -25 % en 2020, est loin d’être atteint : l’utilisation des produits mesurée par l’indicateur Nodu a, au contraire, progressé de 12 % entre 2009 et 2016, ce qui reflète la lente évolution du modèle agricole national. » Un retard mis en parallèle des fonds publics investis : 400 millions d’euros, rien qu’en 2018.
Des dispositifs ne produisant pas les effets escomptés
La Cour des comptes liste plusieurs « dispositifs structurants » mis en place, dont les résultats se font attendre. L’instance regrette la lenteur de la diffusion des pratiques développées au sein des exploitations pionnières, « alors même que sont mises en évidence des possibilités de réduction des pesticides compatibles avec une activité rentable ». Le dispositif national de contrôle des 240 000 pulvérisateurs actifs ne produit pas non plus les résultats attendus, alors que « des matériels performants permettraient de réduire de 45 à 75 % la dérive de pulvérisation des produits ».
Enfin, en ce qui concerne le bio, si l’objectif d’Ecophyto II de doubler les surfaces entre 2013 et 2017 est bientôt atteint, ce n’est pas le cas de l’ambition initiale, affichée en 2009, d’avoir 20 % de SAU en bio (7,5 % en 2018). Par ailleurs, la Cour des comptes préconise « une meilleure standardisation » des résultats des fermes Dephy, afin de pouvoir être utilisés de tous. Sur les CEPP, l’instance précise que leur action demeure « de portée incertaine », notamment en raison de la séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires.
Manque d’articulation des différents plans
Un des facteurs explicatifs mis en avant est « l’excessive complexité administratif et le caractère à la fois peu incitatif et contraignant » des dispositifs existants. Ainsi, le manque d’articulation entre les certificats individuels de produits phytopharmaceutiques (Certiphyto) et les instruments de formation à disposition des professionnels, telle que la plateforme EcophytoPic, est souligné. Une « articulation insuffisante » également mise en lumière entre Ecophyto et de nombreux autres plans portants des mesures liées aux pesticides (plan biodiversité, programme ambition bio, grand plan d’investissement, etc). Les nombreuses sources de financement et la profusion d’appels à projets font aussi partie des causes identifiés dans le retard pris, car susceptibles de « neutraliser les effets » des initiatives nationales et régionales.
Quatre recommandations à l’État
Dans ce cadre, la Cour des comptes invite l’État à agir davantage. Tout d’abord, en améliorant « les règles scientifiques et déontologiques d’évaluation des substances et adapter les procédures d’autorisations et de retraits, et ainsi favoriser l’émergence de produits de substitution ».
L’instance formule quatre recommandations aux ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique :
- introduire, dans les négociations de la nouvelle Pac, un objectif prioritaire de réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques ;
- concevoir un cadre pluriannuel de programmation des financements issus de la redevance pour pollutions diffuses et affectés au plan Ecophyto permettant d’accélérer la mise à disposition effective des crédits chaque année ;
- élaborer, tenir à jour et rendre public, à compter de l’exercice 2020, un tableau de l’ensemble des ressources financières mobilisées pour mettre en œuvre le plan Ecophyto pluriannuel ;
- publier et rendre accessibles au public les données et les analyses rendant compte de la politique menée, des substances actives émises et de leurs effets sur la santé humaine et sur l’environnement.