Ecophyto, FNE s’insurge d’un rapport non publié par le ministère de l’Agriculture
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France Nature Environnment diffuse, le 24 mars, un rapport transmis en mars 2021 au ministre de l’Agriculture, évaluant la mise en œuvre du plan Ecophyto depuis 2008, et jamais mis en ligne. Pour FNE, les conclusions du rapport auraient pu gêner la France dans ses négociations sur la Politique agricole commune.
Rédigé par le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), et l’inspection générale des finances, le rapport « Evaluation des actions financières du programme Ecophyto », a été transmis au ministre de l’Agriculture en mars 2021. C’est ce dernier qui avait commandé aux experts de ces organisations, en juillet 2020, un rapport sur l’efficience des fonds publics dédiés à la réduction de l’usage des produits phytosanitaires. Contrairement à la procédure, le document n’a néanmoins jamais été diffusé publiquemement. C’est ce que révèle France nature environnement (FNE), le 24 mars, qui s’est procuré le rapport.
« Après plusieurs demandes, nous avons du saisir la Commission d’accès aux documents administratifs, Cada, pour l’obtenir, indique à Référence Agro, Thibault Leroux, en charge du dossier agriculture chez FNE. Il y a une réelle volonté du ministère de ne pas communiquer sur le sujet et d’enterrer ce rapport, car normalement tous les documents de ce style sont immédiatement mis en ligne. » Une situation que regrette l’ONG, pour qui les recommandations listées dans le rapport auraient pu « être appliquées dès 2021, en particulier celles visant la réorientation des subventions de la politique agricole européenne (9 Milliards d’euros pour l’agriculture française chaque année), politique qui se négociait alors », précise FNE dans un communiqué.
Trois scénarios pour « crédibiliser le plan Ecophyto »
C’est justement ce calendrier qui expliquerait la non-publication du rapport, pout FNE. « Cela aurait été gênant, pour le gouvernement français, alors en pleine négociation sur la Pac, d’avoir un rapport disant noir sur blanc que l’objectif de réduction de l’usage des produits phytosanitaires devrait être totalement adossé à la Pac, alors même que le rapport pointe le manque de cohérence entre la Pac et le plan Ecophyto, explique Thibault Leroux. Le gouvernement ne voulait pas se rajouter une pression supplémentaire de cet ordre là. » Le rapport dessine en effet trois scénarios pour « crédibiliser le plan Ecophyto comme une politique publique centrale dans la transformation des pratiques agricoles et de l’alimentation », dont un repose sur la Pac. Ce dernier se base sur l’hypothèse que « beaucoup d’alternatives aux produits phytopharmaceutiques sont aujourd’hui suffisamment matures pour que l’État impose leur généralisation sans détruire brutalement l’activité, ce qui semble l’avis d’au moins une partie des experts ».
Les deux autres scénarios concernent la segmentation (recours au label) ou l’incitation (augmentation de la RPD). Sur ce scénario incitatif, le rapport estime qu’il serait « facilité par l’existence d’un conseil actif, indépendant des ventes de produits phytopharmaceutiques et rénové sur la base d’un nouveau référentiel de compétences. (…) Quelques semaines après la séparation de la vente et du conseil, la question du consentement des agriculteurs à payer ce nouveau conseil indépendant reste ouverte. » Par ailleurs, le rapport souligne « qu’une redevance pour pollutions diffuses fixée au même niveau que la taxation des produits pétroliers - soit 60 % du prix final des produits pétroliers - rapporterait près de 1,3 Md€ ».
Sensibiliser les candidats à l’élection présidentielle
Plus globalement, le rapport dresse une image mitigée de la mise en œuvre du plan Ecophyto. « Ambitieux par ses objectifs, le plan Ecophyto finance des actions à l’impact trop faible, via une gouvernance alourdie et une gestion complexe », note le rapport. Des « transformations importantes » seraient « indispensables » pour atteindre les objectifs de réduction du recours aux produits phytopharmaceutiques. « Le réseau des fermes Dephy et le développement de l’agriculture biologique démontrent qu’une réduction forte est possible, note pour sa part Claudine Joly, en charge du dossier pesticides chez FNE. Qu’attend le gouvernement pour conforter cette agriculture alors que l’on voit au contraire disparaître l’aide au maintien de l’agriculture biologique dans la nouvelle PAC ? »
Des évolutions sur lesquelles FNE veut sensibiliser les candidats à l’élection présidentielle. « Nous leur adressons ce rapport, pour que des actions soient rapidement prises après l’élection, en suivant les enseignements de ce document », conclut Thibault Leroux.