Écophyto, le gouvernement confirme la hausse des ventes de produits phytosanitaires
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Le comité d’orientation stratégique et de suivi du plan national de réduction des pesticides, Écophyto 2+, s’est réuni le 7 janvier en présence des ministres de l’Agriculture, de la Transition écologique, de la recherche et de la Santé. Les ministres ont présenté des données montrant une hausse des quantités de substances actives vendues. Si les valeurs diffèrent quelque peu de celles présentées hier par l’UIPP, les causes de la hausse sont identiques. Les données montrent également la dynamique de l’engagement des agriculteurs vers des solutions alternatives. Explications et analyses.
Sur le bilan, les ministères de l’Agriculture, de la Transition écologique, de la Santé, de la Recherche, et l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP) font le même constat : les quantités de produits phytopharmaceutiques vendus ont augmenté en 2018, alors qu’elles avaient diminué en 2017. Après les chiffres diffusés le 7 janvier en début d’après-midi par l’UIPP, le Gouvernement a publié ses résultats le même jour dans la soirée à l’issue de la réunion du Comité d’orientation stratégique et de suivi (COS) du plan Écophyto 2+.
Une hausse de 21 % entre 2017 et 2018
Il chiffre la hausse des quantités de substances actives (QSA) à 21 % entre 2017 et 2018, tous usages confondus, et de 23 % si l’on considère uniquement l’agriculture, alors que l’UIPP table sur une augmentation de 8 % des volumes. Les évolutions du Nodu agricole, nombre de doses unités, suivent la même tendance : -6 % entre 2016 et 2017, +24 % entre 2017 et 2018, +25 % entre 2009-2011 et 2016-2018. Les principales substances vendues sont le soufre (16 % des ventes) et le glyphosate (11 %).
RPD, climat et soufre
Le gouvernement et l’UIPP s’accordent toutefois sur les arguments expliquant cette hausse. Ils relèvent notamment des facteurs conjoncturels. L’augmentation serait en grande partie imputable aux achats anticipés pour éviter l’augmentation de la redevance pour pollution diffuse (RPD), qui taxe les substances les plus préoccupantes au 1er janvier 2019 ainsi qu’aux aléas climatiques favorables aux maladies fongiques au printemps et aux insectes durant l’été. Le développement des achats de cuivre et de soufre, utilisables en agriculture biologique, contribuent également à gonfler les données.
La différence avec les chiffres de l’UIPP s’explique
Comment s’explique l’écart avec les données présentées par l’UIPP ? « Il peut être lié au fait que nous n’avons pas le même pas de temps, souligne Eugénia Pommaret, directrice de l’UIPP. Nos données concernent les ventes de nos adhérents fournisseurs aux distributeurs, alors que ceux du gouvernement sont les achats des agriculteurs via les distributeurs enregistrés dans la Banque nationale de vente pour les distributeurs (BNVD). Ainsi, l’anticipation de la RPD a pu davantage jouer au stade exploitant. Ensuite, nous représentons 96 % du marché en valeur. Or, le soufre et le glyphosate par exemple, qui ont contribué à la hausse des chiffres, sont des produits génériques vendus par des entreprises qui sont en dehors de notre périmètre, voire même des importations parallèles. Il est donc possible qu’une partie de ces achats, importants en volume, ne se retrouvent pas dans nos chiffres. Je comprends que cette différence interpelle et il serait intéressant que le ministère de l’Agriculture apporte son éclairage sur la question. » Le ministre n’a toutefois pas encore réagi.
Un comité pour analyser les indicateurs
Quoi qu’il en soit, les données de suivi du plan posent question. Les quatre ministres ont indiqué qu’ils publieraient chaque année, au premier semestre, des indicateurs. Les données 2019 seront disponibles à la fin du 1er semestre 2020. Elles seront analysées par un comité scientifique et technique qui sera installé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et l’Office français de la biodiversité (OFB). Un outil de visualisation géographique permettra enfin l’accès aux données de vente territorialisées.
Des agriculteurs qui s’engagent
L’engagement des agriculteurs pour trouver des alternatives se mesure également dans les chiffres publiés. Les ventes de solutions de biocontrôle augmentent de 20 % entre 2017 et 2018. En parallèle, le nombre et les quantités de substances les plus préoccupantes diminuent : elles ont baissé de 15 % pour les CMR 1 et de 9 % pour les CMR 2 entre les périodes 2009-11 et 2016-18. L’implication des exploitants dans des démarches reconnues comme économes en produits phytosanitaires s’accroit : +46 % d’exploitations engagées dans la certification environnementale HVE entre le 1er janvier et le 1er juillet 2019 et + 13 % en agriculture biologique entre 2017 et 2018.
Les collectifs testant des pratiques réduisant l’usage des phytosanitaires se développent : 193 nouveaux groupes « 30 000 » ont été créés en 2018/19, ce qui porte le nombre total à 396. En 2018, 7,5 M€ ont permis l’accompagnement de cette démarche. Laquelle s’ajoute aux réseaux Dephy qui englobent désormais 3 000 fermes. Le gouvernement note également une augmentation d’audience des sites web de partage des connaissances sur la transition agroécologique entre 2017 et 2018 avec une hausse de 45 % pour EcophytoPIC.
Biocontrôle et conseil stratégique, bientôt en consultation publique
Ce 7 janvier, les ministres ont profité de la réunion du Cos pour annoncer le lancement prochain de deux consultations publiques particulièrement attendue par la profession : la stratégie nationale de déploiement des solutions de biocontrôle, et le projet de décret définissant les attendus en matière de conseil stratégique imposé par la séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires.
Lors du Cos, le gouvernement a rappelé ses axes de travail concernant les produits phytosanitaires. Dans le cadre des mesures sur la protection des riverains, il entend renforcer cette année les règles pour les lieux accueillant des personnes vulnérables et supprimer des pesticides dans les lieux de vie non couverts par la loi Labbé (campings, résidences hôtelières, terrains de sport…). Une consultation des parties prenantes débutera au premier trimestre pour préciser les dates d’entrée en vigueur de ces interdictions. Sur la sortie du glyphosate à la fin 2020 « pour les usages pour lesquels des alternatives non chimiques existent », le gouvernement attend l’évaluation de l’impact économique pour les filières agricoles afin de décider de l’autorisation ou non des 29 produits encore en cours d’examen.
Enfin, les ministres préparent un appel à projets, d’un montant de 25 millions d’euros, pour ce début d’année. Objectif : accompagner la viticulture, l’arboriculture et le maraîchage dans l’investissement du matériel d’épandage. Deux expertises collectives sur les impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les couverts permanents, devraient également démarrer cette année.