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Edouard Philippe ouvre les États généraux de l’alimentation

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C'était une promesse et un axe fort de sa campagne. Emmanuel Macron n'est finalement pas venu le 20 juillet à Bercy au lancement des États généraux de l'alimentation. Tout comme le ministre de l’Économie, Bruno Lemaire, et la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, pourtant annoncés. Provoquant la déception de la filière agricole et alimentaire, qui a massivement répondu présente à l'invitation du Gouvernement. En déplacement à Istres pour tenter de rassurer les militaires, le Président s'est fait remplacer, à Paris, par le Premier ministre. Edouard Philippe a fixé quatre objectifs : définir un cadre clair pour mieux répartir la valeur, conforter la confiance des français dans leur alimentation, permettre l'accès à tous à une alimentation de qualité et réconcilier agriculture et environnement.

Agriculteurs, instituts techniques, entreprises agro-alimentaires, commerces de distribution, associations de consommation et environnementales… Tous ont exprimé tour à tour leurs attentes fortes pour cet évènement qui durera jusqu'à la fin de l'année, avec des priorités parfois opposées. Peur que l'on parle trop alimentation et pas assez agriculture et inversement, que l'environnement prenne trop de place ou pas assez. Les curseurs font débat.


Objectiver le débat, pas si simple

Un constat unanime toutefois : le manque de revenu des exploitants. « En 2016, 50 % des agriculteurs vivaient avec un revenu inférieur à 350 euros par mois », indique Benjamin Griveaux, secrétaire d'État au ministère de l’Économie. Inacceptable, bien sûr, et qui pose la question de la répartition de la valeur de la chaîne alimentaire. « Les agriculteurs souffrent, c'est injuste, a expliqué Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. Les États généraux doivent concrètement aboutir à un retour sur le prix ».

Christine Avelin, directrice de FranceAgriMer, tente de dresser un panorama objectif de la situation. « Le problème est que dernière des moyennes, il y a des situations très différentes », rappelle la DGCCRF. Quoiqu'il en soit, l'observatoire des prix et des marges montre que sur un produit acheté 100 euros par le consommateur, 6,2 euros reviennent à l'agriculteur, soit moins de 10 %.


Répartition de la valeur : les discussions démarrent

Pourtant chaque maillon a alerté sur le contexte tendu dans lequel il évolue. « Les industries agro-alimentaires perdent de la valeur, nous avons tous couper dans les investissements », intervient l'Ania. « Les marges des distributeurs sont de 0,8 %, la moitié de ce qu'elles étaient il y a cinq ans », explique Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD). « Les prix sur les marques nationales ont chuté depuis quatorze mois consécutifs », indique de son côté Richard Panquiault, directeur de l'Institut des liaisons et d'études des industries de consommation (Ilec), qui représente les grandes marques. « Si tout le monde vient expliquer que ses marges baissent, il ne faudrait pas que ces États généraux aboutissent à une augmentation du prix pour le consommateur », s'inquiète Alain Bazot, de l'UFC-Que Choisir. « Le rééquilibrage passe par une responsabilité collective de chacun des acteurs de la chaine alimentaire », rappelle Benjamin Griveaux.

Claire Chambolle, chercheuse à l'Institut national de la recherche agronomique, insiste sur le manque, dans certaine situations, de concurrence dans les circuits de distribution, bloquant les négociations sur les prix. « La solution serait de réintroduire de la concurrence localement », avance-t-elle. D'autant qu'en 2014, trois regroupements ont eu lieu dans les centrales d'achats de la grande distribution : Système U et Auchan, Casino et Intermarché, Carrefour et Cora. « Il faudrait davantage de contrôle dans ces rapprochements, ce qui n'existe pas aujourd'hui », ajoute-t-elle.


Un retour concret attendu

Reste à savoir à quoi vont réellement aboutir ces États généraux. « Nous proposerons un agenda des solutions à l'issue des travaux », a indiqué Stéphane Travert. Une réponse bien trop faible pour bon nombre d'acteurs présents. Certains souhaitent que les conclusions se traduisent dans la loi. Si le ministre de l'Agriculture a indiqué que cette voie n'est pas exclue et que la politique du ministère évoluera en cohérence avec ce qui ressortira des discussions, le secrétaire d'État à l’Économie a toutefois planté le décor. « Dans les négociations commerciales, la solution ne passera pas forcément par une refonte du cadre législatif. La loi doit être le dernier recours », précise Benjamin Griveaux, assurant que le monde agricole trouvera toujours une oreille attentive et du soutien à Bercy.