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« Faire confiance aux agriculteurs pour la gestion de l'eau », Éric Frétillère, président d'Irrigants de France

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Référence-environnement : Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique, a annoncé qu’il dévoilerait un plan dédié à la gestion de l’eau pour le 9 août en conseil des ministres. Quelles sont vos attentes ?

Éric Frétillère : Pour le moment, absolument rien ne filtre… Nous espérons avant tout, puisqu’il est question du conseil des ministres, que celui de l’Agriculture y soit fortement impliqué. L’irrigation concerne toute les filières, elle garantie l’approvisionnement en qualité et en quantité des produits alimentaires et elle est la meilleure assurance pour l’agriculteur. Aujourd’hui, l’eau est gérée à l’échelle des bassins, le plus souvent par les Chambres d’agriculture. Le secteur agricole a prouvé sa capacité à prendre en main cette thématique. Nous aimerions davantage de confiance pour continuer à avancer. Les États généraux de l’alimentation seront aussi une opportunité de faire valoir ce message.

Plus concrètement, la gestion du stockage de l’eau, retenir l’eau en hiver lorsqu’elle est en excès pour l’utiliser l’été est cruciale. Le cas de Sivens, en ce sens, a montré tous les freins, notamment politiques, en la matière. Il faut être pragmatique et, encore une fois, faire confiance aux agriculteurs pour travailler dans le respect des milieux. La France reçoit 180 milliards de mètres cubes de pluie chaque année, il est dommage d’en compliquer l’usage, quand l’irrigation représente simplement trois milliards de mètres cubes. La réutilisation des eaux usées traitées est un autre dossier à ouvrir d’urgence. On se prive, là aussi, de solutions complémentaires, notamment à proximité des villes.

R.E. : L’année 2017 se caractérise-t-elle par une pénurie d’eau pour l’agriculture ?

E.F. : L’hiver n’a pas été très pluvieux, avant un épisode de canicule en juin. Heureusement, les épisodes orageux ont permis de limiter le manque d’eau sur une partie du territoire. En parallèle, les cycles de cultures sont en avance de presque 15 jours par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Leurs besoins en eau ont suivi cette avancée. Globalement, les irrigants ont pu s’adapter à ces conditions atypiques sans qu’il n’y ait de répercussion réelle sur leurs pratiques et pour les plantes, même si la partie Est de la France a un peu plus souffert.

R.E. : Concrètement, comment les restrictions d’eau, qui concernaient encore 62 département au 19 juillet, s’appliquent-elles localement ?

E.F. : Des rendez-vous hebdomadaires sont organisés chaque semaine par les préfectures. Les agriculteurs ne sont pas le seul secteur impliqué. Le tourisme, via des activités d’eau comme le canoë, les pêcheurs… sont également présents. Les mesures sont prises en concertation et en fonction du niveau des cours d’eau : seuil d’alerte, soit l’interdiction d’irriguer un jour sur cinq jusqu’à trois jours par semaine ; seuil d’alerte renforcée, soit trois jours ou plus sans irrigation ; ou seuil de crise, soit une interdiction totale d’irriguer.

Attention : les cartes nationales schématisent souvent à l’excès. Mon département, la Dordogne, est actuellement « tout rouge », car un certain nombre de cours d’eau mineurs sont très bas. Mais les trois grandes rivières se portent bien, et l’irrigation qui en dépend fonctionne. Ces cartes ont tendance à alerter inutilement, car il suffit d’avoir un sous bassin en crise pour avoir tout le bassin en rouge. On nous demande parfois d’arrêter les cultures irriguées sur cette base, alors qu’en réalité, leur gestion ne pose pas de problème.