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Glyphosate : l'Inra incite le gouvernement à porter un changement « en profondeur »

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Les ministres de l’Écologie, de la Santé, de l’Agriculture et de la Recherche ont reçu le 30 novembre le rapport sur le glyphosate qu’ils avaient commandé à l’Institut national de la recherche agronomique . Rendu public le 4 décembre, ce document doit aider le gouvernement à préparer un « plan de sortie du glyphosate », attendu d’ici à la fin de l’année.

La course contre la montre s’annonce serrée : si l’Europe a renouvelé l’autorisation de commercialisation du glyphosate pour cinq ans, Emmanuel Macron s’est donné trois ans pour en finir avec la molécule au niveau français. Le gouvernement devra également veiller à respecter une cohérence avec la feuille de route visant une agriculture moins dépendante aux pesticides, qui sera présentée lors de la clôture des États généraux de l’alimentation, et finalisée en début d’année 2018.

Des changements « profonds » à opérer

Sans surprise, l’Inra rappelle la difficulté à trouver une ou des alternatives aussi efficaces et simples d’application que le glyphosate. Les auteurs* incitent le gouvernement à ne pas miser sur une substitution « toutes choses égales par ailleurs ». Ils l’affirment : « L’adaptation à un arrêt du glyphosate passe par des changements profonds. » Et généralisés : toutes les exploitations sont invitées à envisager une approche systémique de l’agriculture, incluant davantage d’outils, de pratiques, et la prise en compte de paramètres agronomiques.

En ce sens, le rapport met en exergue l’importance de réduire le recours aux herbicides, au-delà du seul glyphosate. Désherbage mécanique, travail superficiel du sol, labour, gel hivernal des couverts intermédiaires, autres herbicides homologués… sont autant d’alternatives recensées par l’Inra pour y arriver.

Des alternatives dont l’adoption n’est pas instantanée

Si certains réseaux Dephy activent déjà ces leviers avec efficacité, les auteurs évoquent « des freins majeurs » les concernant : impact économique, temps de travail, évolution du parc matériel… Une réalité qui nécessite d’aborder le post-glyphosate « sur une échelle de temps prenant en compte la mise en œuvre de ces techniques alternatives. »

Ces solutions ne sont toutefois pas adaptables partout. Le rapport liste plusieurs cas de blocage plus profond. L’agriculture de conservation, la production de semences ou de légumes de plein champ sont citées, tout comme certaines cultures des DOM, le lin fibre ou les fruits à coques. Là encore, le rapport en appelle à un « rythme de transition » tenant compte de ces impasses. Et souligne que la recherche a un rôle important à jouer pour améliorer l’efficacité et la facilité de mise en œuvre des techniques alternatives disponibles, et en trouver de nouvelles.

Un surcoût « délicat » à évaluer

Si tourner la page glyphosate a un prix, le rapport reste prudent sur ce chapitre. Les auteurs évoquent une évaluation du surcoût économique « délicate », en raison de la grande variabilité des problématiques et des solutions existantes d’une culture à l’autre. Le document flèche toutefois des mesures d’accompagnement pour fluidifier la sortie du glyphosate.

Les aides à l’investissement, les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEc), le recours à la réglementation, et notamment aux Certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), sont à privilégier. Le rapport invite également à s’appuyer sur des dynamiques collectives déjà existantes dans les secteurs du conseil et de la formation. Et suggère, enfin, de favoriser la reconnaissance de produits issus de filières sans glyphosate.

* Xavier Reboud, Maud Blanck, Jean-Noël Aubertot, Marie-Hélène Jeuffroy, Nicolas Munier-Jolain, Marie Thiollet-Scholtus, sous la supervision de Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture de l’Inra.