Haut conseil pour le climat, une politique insuffisante pour atteindre la neutralité carbone
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Comme annoncé dans notre précédente lettre, le Haut conseil pour le climat (HCC) a remis son premier rapport le 25 juin au soir à Édouard Philippe. Son titre, « Agir en cohérence avec les ambitions », synthétise parfaitement l’analyse de l’instance composée de onze experts.
Car si le HCC salue la décision d’inscrire dans la loi un objectif de neutralité carbone en 2050, impliquant que la France n’émette pas davantage de gaz à effet de serre (GES) que ses puits ne peuvent en absorber, il estime que cet engagement a peu de chance d’être tenu. Le budget carbone 2015-2018 a été dépassé et la réduction réelle des émissions de GES, de 1,1 % par an en moyenne pour la période récente, est quasiment deux fois trop lente pour la réalisation des objectifs. « La transition vers une économie bas-carbone doit désormais être au cœur des politiques », insiste le rapport. En cause notamment, les transports (31 % des émissions en 2018) mais aussi les bâtiments (19 % du total) et l’agriculture (19 %). Les émissions de l’agriculture proviennent de l’élevage (48 %), des cultures (41 %), ainsi que des tracteurs, engins et chaudières agricoles (11 %).
Sur ce secteur, les auteurs indiquent que les émissions ont diminué de 8 % entre 1990 et 2018. « Cette baisse résulte d’une intensification des systèmes plus que d’un basculement vers des pratiques agroécologiques », estiment les experts. Sur la période 2015-28, les émissions sont pratiquement stables, avec une baisse moyenne de 0,1 % par an : la diminution des émissions de CO2 provenant des moteurs a été en partie compensée par une hausse de celles de protoxyde d’azote (N2O) liées aux cultures. Des résultats finalement en phase avec l’objectif de stabilité stipulé dans la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC1) pour ce secteur.
Diminuer les émissions agricoles
Mais, pour induire des changements de pratiques agricoles plus substantiels, le Haut conseil recommande de renforcer le niveau et le contrôle des exigences environnementales liées à la Politique agricole commune (Pac) : utilisation de légumineuses en substitution des engrais minéraux azotés pour réduire les émissions de N2O ; investissement dans la gestion des effluents d’élevage ; mobilisation des leviers de l'alimentation animale, de la génétique et de la conduite des troupeaux pour diminuer les émissions de méthane entérique des ruminants. Autre solution : agir sur la demande alimentaire en s’appuyant sur les synergies entre les recommandations nutritionnelles des agences sanitaires et une alimentation bas carbone.
Une meilleure analyse des puits de carbone
Les experts demandent également de mobiliser les sols agricoles en tant que puits de carbone et de mener une concertation pour résoudre les contradictions entre les objectifs économiques du plan Forêt-Bois et l’augmentation du puits de carbone forestier pour atteindre l’objectif. Autre point à résoudre : étudier la compatibilité entre le stockage de carbone dans la matière organique des sols agricoles et l’utilisation de la biomasse pour le biogaz. Enfin, le HCC réclame au gouvernement un « plan crédible permettant de stopper l’artificialisation nette des sols agricoles, le retournement des prairies et la destruction des zones humides qui constituent d’importants puits de carbone ».
Édouard Philippe promet des mesures
Dans un communiqué du 26 juin, le Premier ministre, tout en répétant que la lutte contre le changement climatique est « une priorité du gouvernement », reconnaît que l’action doit « être amplifiée au regard de l’urgence ». Le gouvernement présentera à l’occasion du prochain Conseil de défense écologique début juillet « les premières réponses et les suites qu’il compte donner aux recommandations du Haut conseil, dont certaines seront prises en compte dès l’examen parlementaire du projet de loi relatif à l’énergie et au climat ».
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