La Cour des comptes s’inquiète de l’artificialisation des terres agricoles
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Dans un contexte sanitaire lié à la Covid-19, la Cour des compte alerte sur l’artificialisation des sols qui se poursuit au détriment de l’agriculture, notamment sur les terres les plus riches. Dans un courrier adressé à Jean Castex, elle formule trois propositions.
Dans une lettre adressée au Premier ministre, et publiée le 12 novembre, la Cour des comptes alerte sur l’enjeu de préserver les terres agricoles. « La crise sanitaire a rappelé l’importance de la sécurité de l’approvisionnement alimentaire et du maintien d’une agriculture forte et qualitative », indique-t-elle. Or l’artificialisation des sols au détriment de l’agriculture se poursuit : elle a concerné 596 000 hectares en dix ans. Par ailleurs, selon une expertise scientifique réalisée à la demande des pouvoirs publics par l’institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (Ifsttar) et l’Inrae, le phénomène touche 70 % des terres agricoles riches.
Transport et spéculation foncière
Les raisons de ce grignotage des terres sont l’étalement urbain, le développement des transports et des infrastructures, ainsi que la spéculation foncière. Les auteurs pointent également « la concentration des terres, à l’opposé du modèle d’agriculture à caractère familial promu par les lois agricoles successives. » Le nombre d’exploitations a baissé de plus de moitié en une trentaine d’années, alors que leur surface moyenne a augmenté de 43 à 63 hectares entre 2000 et 2016.
Une véritable politique foncière agricole permettrait de mieux maîtriser et réguler l’évolution du foncier agricole, et d’atteindre l’objectif du « zéro artificialisation nette », qui, par ailleurs, mériterait d’être précisé, selon la Cour des comptes.
Libéralisme ou interventionnisme
La Cour envisage trois scénarios. Le premier, d’inspiration libérale, viserait à assouplir, voire à supprimer, tout ou partie des instruments de régulation pour laisser jouer plus librement le marché. Autre possibilité, à l’opposé de la première : créer un outil centralisé de régulation du foncier agricole, doté de pouvoirs renforcés, confiés à une autorité administrative indépendante. Enfin, un scénario plus pragmatique pourrait consister en une révision et une adaptation du dispositif actuel.
Plus concrètement, la Cour formule trois recommandations :
- accélérer et achever d’ici à 2023, la mise en place de l’observatoire de l’artificialisation des sols, dans sa dimension interministérielle et territoriale ;
- définir un cadre d’intervention des Safer leur permettant d’agir en sécurité et de rendre compte précisément de ces opérations, sous le contrôle renforcé des commissaires du Gouvernement ;
- regrouper la FNSafer et Terres d’Europe SCAFR au sein d’une entité unique avant la fin de l’année 2021.
Le levier de la Pac
Par ailleurs, l’institution estime également qu’une meilleure utilisation de la Politique agricole commune (Pac) pourrait contribuer à maîtriser les phénomènes de concentration et d’accaparement des terres : calculer les paiements directs sur la base d’avantages environnementaux et socio-économiques et non sur la seule surface ; utiliser les marges de manœuvre déjà prévues pour, par exemple, réduire de 5 % les paiements directs pour la partie du montant supérieure à 150 000 € ; accroître le bénéfice des aides agricoles sur les premiers hectares et donner la priorité aux jeunes agriculteurs.