La FNSEA demande un moratoire sur son application du décret ZNT
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Si la demande de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs d’engager rapidement un moratoire sur l’application des ZNT s’adresse clairement au gouvernement, le point de blocage choisi par le syndicat pour obtenir gain de cause est plus qu’une réponse du berger à la bergère : vous ne prenez pas en compte nos réalités de terrain, nous arrêtons de vous rendre service en épandant vos déchets sur nos terres… Et cela risque d’être financièrement pénalisant pour les élus, car pour traiter les boues de station d’épuration, les communes devront payer un service jusqu’à présent assuré gratuitement par les agriculteurs, soit une hausse des coûts de traitement de 10 à 20 % pour la collectivité. La date de l’action est prévue dans les prochains jours.
ZNT : rien ne pourra être appliqué avant six mois
La FNSEA a porté ce message le 14 janvier, à l’occasion des vœux exprimés à la presse. Les responsables du syndicat ont pointé du doigt le contenu de l’arrêté ZNT, jugé inapplicable, conçu « hors sol », manquant de précision, avec un calendrier loin de la réalité agricole. Et les questions sont nombreuses. « Nous demandons un moratoire jusqu’à ce que toutes les modalités d’application soient connues », a alerté Jérôme Despey, secrétaire général.
Le décret publié est entré en vigueur le 1er janvier 2020. « Seules les cultures semées cet automne ont un délai de six mois pour se préparer, mais qu’en est-il de la vigne, de l’arboriculture ? a soulevé Éric Thirouin, secrétaire général adjoint de la FNSEA. (…) On ne peut pas appliquer au 1er janvier ce qui n’est pas fini d’être défini. » Autre point d’achoppement : les pertes de surfaces de production peuvent se révéler importantes, surtout dans les zones où l’habitat se développe. « Quid de la compensation économique ? interroge-t-il. Les bandes non traitées de 5 mètres sont-elles convertibles en SIE, sachant qu’il faut qu’une bande fasse au moins cinq mètres de large pour être considérée comme telle en France ? Or, au niveau européen, un mètre suffit ! Il y a une surtransposition des règles dans la loi française. »
Prendre en compte tous les dispositifs anti-dérive
Quant aux chartes de riverains déjà actées avant l’arrêté, elles devront de toute façon être réajustées. Éric Thirouin rappelle qu’il existe quoi qu’il en soit une procédure pour les valider avec une consultation du public qui doit durer au moins un mois, puis deux mois sont laissés au préfet pour réagir, et deux mois encore pour d’éventuelles modifications. « Rien ne pourra être appliqué avant six mois ! » Que se passera-t-il si un citoyen saisit le tribunal d’ici là ?
Le représentant syndical souligne aussi l’incohérence dans l'approche scientifique de cette problématique. « Seul le matériel de pulvérisation confiné permet de réduire la largeur d’une bande de 5 m à 3 m dans le texte. Mais qu’en est-il par exemple des haies ou des filets, dont on connait le rôle pour limiter la dérive ? » Pour l’agriculteur, tout repose en priorité sur les bonnes pratiques. D’autant qu’une étude a été commandée en début d’année à l’Anses pour évaluer tous les processus existants permettant de limiter les ZNT avec un rendu attendu d’ici six mois à un an. « Pourquoi ne pas avoir commandé six mois plus tôt cette étude, pourquoi ne pas prendre en compte l’effet déjà connu des différents dispositifs ? », complète-t-il.
La marge de manœuvre du gouvernement en question
Pour les représentants du syndicat, les contraintes liées à la proximité entre les parcelles et les habitations ne doivent pas être posées uniquement sur la table de l’agriculture. « Les aménageurs et promoteurs doivent en prendre leur part », insiste Jérôme Despey, appelant à un « principe de réciprocité » entre les deux parties, vis-à-vis des mesures et aménagements à prévoir dans les zones concernées.
Quant aux marges de manœuvre du gouvernement pour agir sur le contenu de l’arrêté, Didier Guillaume a expliqué le même jour, lors d’une autre conférence de presse, que son champ d’action était limité pour légiférer sur un éventuel moratoire. La mise en place de ces zones de non traitement étant une injonction du Conseil d’État au gouvernement. Argument qu’écarte Éric Thirouin, estimant que le gouvernement pouvait intervenir sur la façon de concevoir les ZNT : « Il signe bien les arrêtés d’application. »