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La stratégie Écophyto 2030 est dévoilée

Le | Politique

Le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire et le ministère de la Transition écologique ont dévoilé le 6 mai la stratégie Écophyto à horizon 2030. L’indicateur européen devient l’indicateur officiel et des mesures seront imposées sur certains captages prioritaires.

Agnès Pannier-Runacher lance, ce 15 mars 2024, un cycle de réunions pour comparer les réglementation - © D.R.
Agnès Pannier-Runacher lance, ce 15 mars 2024, un cycle de réunions pour comparer les réglementation - © D.R.

La stratégie Écophyto 2030 a été rendue publique le 6 mai par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire et le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Elle fixe des objectifs de réduction des risques et des usages de produits phytopharmaceutiques en phase avec les engagements européens et internationaux en matière de lutte contre le changement climatique et de préservation de la biodiversité, assure le Gouvernement.

Une stratégie en cinq axes

La dénomination évolue, le Gouvernement préférant parler d’une stratégie, plutôt que d’un plan pour marquer l’ambition plus large, intersectorielle et interministérielle, dans une logique d’une seule santé. Elle se décline en cinq axes :

  • Accélérer la recherche d’alternatives pour se préparer à la réduction du nombre de substances actives autorisées ;
  • Accélérer le déploiement dans toutes les exploitations des solutions agroécologiques ;
  • Mieux connaître et réduire les risques pour la santé et pour l’environnement de l’usage des produits phytopharmaceutiques ;
  • Recherche, innovation et formation ;
  • Territorialisation, gouvernance et évaluation.

L’indicateur européen détrône le Nodu

La stratégie maintient l’objectif d’une réduction de moitié de l’utilisation des produits phytosanitaires et des risques qui sont liés d’ici à 2030. Pour suivre les résultats de cette stratégie, l’indicateur de risque harmonisé 1, HRI1, institué par la directive européenne 2009/128, succède au Nodu (Nombre de doses unités), calculé au niveau national, en tant qu’indicateur principal. Calculé par la Commission européenne, il mesure l’évolution de l’utilisation des substances actives en les pondérant par un coefficient de quantification du risque, depuis la période 2011-2013. Celle-ci devient la nouvelle base du plan Écophyto.

Des indicateurs complémentaires seront publiés régulièrement par le Gouvernement. « Nous continuerons à fournir les données pour le Nodu et le QSA, pour certaines classes comme les CMR1, CMR2 et le glyphosate, et pour ne pas casser la série statistique afin de pouvoir la reconstituer au besoin. Mais le HRI1 est le seul et unique indicateur de suivi de la stratégie », indique le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher. Toutefois, le HRI1 est calculé depuis la mise en place de la directive 2009/18. « Il y a donc un historique existant », explique le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.  Un bilan annuel sera présenté aux parties prenantes. « Nous sommes en cohérence avec le cadre européen mais cela ne nous empêche pas de travailler avec l’Inrae pour trouver un autre indicateur et répondre aux critiques que nous pouvons entendre », poursuit le ministère.

Pour l’heure, avec le HRI1, la ferme France affiche une baisse de 27 à 30 % par rapport à 2011-2013. Il Reste donc 20 à 22 % pour atteindre l’objectif de baisse de moitié des produits phytosanitaires d’ici à 2030.

Le Parsada, une action phare d’Écophyto

Cet objectif de diminution des pesticides se fait avec le principe « pas d’interdiction sans solution ».  Ainsi, le plan Ecophyto se traduit par la mise en place dès mai 2023 du Plan d’anticipation du potentiel retrait européen de substances actives et de développement de techniques alternatives pour la protection des cultures, le Parsada. Il vise à éviter de nouvelles impasses techniques et est doté d’un financement de 146 millions d’euros pour les plans d’action filière et des programmes d’actions transversaux. « Il y a une urgence à avancer sur le panel de solutions chimiques et non chimiques pour que la souveraineté alimentaire et la transition écologique aillent de pair », indique le cabinet de Marc Fesneau. D’autre part, un cycle de réunions s’installe visant à rechercher des solutions à court terme pour agir sur les situations de distorsions recensées par les producteurs avec les autres États membres de l’Union européenne. Ces travaux sont déjà initiés pour plusieurs cultures et ont déjà permis d’identifier de premiers leviers d’action dès la campagne 2024 pour plusieurs cultures : 14 premiers plans d’action ont été validés par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire sur 8 filières de production agricoles.

Par ailleurs, la stratégie Écophyto 2030 poursuit le déploiement du réseau des 2000 fermes Dephy pour accompagner le changement de pratiques. « Il sera conditionné à la diffusion des résultats pour permettre le passage à l’échelle qui n’avait pas été le cas lors du dernier plan Écophyto, indique le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher. Il intégrera autant que possible des exploitations de l’enseignement agricole. »

Aller au-delà des 1000 captages prioritaires

Des actions sont également prévues sur les aires d’alimentation de captage d’eau potable. « L’idée est de cibler les zones de captage prioritaire en dehors des 1000 zones déjà identifiées par le Grenelle, qui ne sont pas encore dans le rouge mais dont les signaux ne vont pas dans le bon sens, et y apposer des objectifs contraignants », indique le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Un guide sera livré à la fin de l’année à destination des préfets et des collectivités. Un arrêté sera pris d’ici à la fin de l’année pour définir les captages sensibles et prioritaires et des mesures plus contraignantes, qui seront accompagnées financièrement, selon le ministère.

250 M€ de la planification écologique

« Des moyens très importants sont mis en place pour la première fois sur la stratégie », indique le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher. Le programme Écophyto en tant que tel est doté d’un financement de 71 millions d’euros, dont 41 M€ pour la maquette nationale et 30 M€ pour les actions régionales en 2024, issu notamment de la redevance pour pollutions diffuses. Un nouveau financement au titre de la Planification écologique apporte 250 M€, dont 146 M€ pour le Parsada, 50 M€ pour les agroéquipements, 10 M€ pour la surveillance biologique du territoire et la rénovation du bulletin de santé du végétal (BSV), 16 M€  pour l’accompagnement à la territorialisation, 8 M€  pour l’accompagnement des utilisateurs de produits phytosanitaires et 20 M€ pour aider les collectivités avec la contamination des eaux par les pesticides. « Un point inédit dans la stratégie », indique le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Par ailleurs, 300 M€ de crédits issus de France 2030 iront vers les objectifs de la stratégie Écophyto dont 90 M€ pour un nouvel appel à manifestation d’intérêt, AMI, « prise de risque amont - aval », et 210 M€ pour des projets relatifs à la réduction de la dépendance aux pesticides comme le Grand défi biocontrôle, robotique et biostimulants.

Initié en 2023, le travail d’élaboration de la stratégie Écophyto 2030 résulte d’un travail associant les ministères chargés de l’Agriculture, de la Transition écologique, de la Santé, de la Recherche et des Outre-mer, ainsi que l’ensemble des parties prenantes. Elle a fait l’objet de près de 40 entretiens bilatéraux, mais également de consultations auprès de différentes instances, dont le Comité d’orientation stratégique et de suivi d’Écophyto.

« Avec cette stratégie, les moyens sont au rendez-vous pour réduire l’usage des produits phytosanitaires, pour avoir une agriculture plus compétitive et plus résiliente, indique le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Nous avons fait une pause, il n’y a aucun recul, nous gardons le cap et les moyens, sans surtransposition et en cohérence avec le cadre européen. »

« La stratégie Écophyto 2030 répond à une triple ambition en termes de protection de la santé publique, de soutien des performances économiques et environnementales des exploitations et de protection des cultures et d’adaptation technique, indique le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher. Nous plaçons notre stratégie au niveau européen, tant au niveau de l’évaluation que de la stratégie pour éviter les concurrences déloyales. »