L’agriculture fait campagne aux européennes
Alors que les élections européennes se tiendront dans un mois, du 23 au 26 mai 2019, les porte-paroles (1) des sept listes françaises sont revenus sur la partie agricole de leur programme, lors d’un événement organisé le 18 avril, par le Syndicat national de la presse agricole et rurale.
Préoccupation unanimement partagée : la réforme de la politique agricole commune, suite à l’annonce de la Commission européenne d’une baisse du budget pour la période post-2020. Dans un contexte de changement climatique et de montée des attentes sociétales, la transition agroécologique est une nécessité largement reconnue. Qui devra être financée à la hauteur des enjeux, rappellent les candidats.
Débat sur la répartition des aides entre les piliers
Sur la répartition des aides entre les deux piliers de la PAC, les avis divergent. Pour Olivier Menel, de l’UDI, « il ne faut pas toucher au premier pilier ». De son côté, Europe Écologie - Les verts (EELV) suggère plutôt que des aides y soient intégrées, pour « sortir de la dichotomie premier pilier / second pilier ». Chez Les Républicains, on plaide pour un second pilier fort, notamment au service du renouvellement des exploitations. Le parti se prononce également pour une gestion par les régions des fonds du deuxième pilier.
Autre sujet de crispation, celui des accords de libre-échange. Et ce, notamment dans un contexte de discussions avec les pays du Mercosur. « La filière viande serait la plus fragilisée » prévient Éric Andrieu (PS), qui se prononce en faveur d’une « exception agriculturelle » dans les accords de libre-échange. « Nous nous battrons pour que l’agriculture soit exclue de ces traités », abonde Hervé Juvin (Rassemblement national). De son côté, Olivier Menel plaide pour que les accords multilatéraux ne soient signés qu’en présence d’équivalence de valeurs sur quatre points : climatique (à travers le respect de l’Accord de Paris), environnemental, sanitaire et social. Ce dernier promeut également la lutte « contre toutes les formes de distorsion de concurrence intra-européenne, qui casseraient les dynamiques à l’export ». Enfin, Les Républicains expliquent vouloir mettre en place des « droits de douane pour les produits qui ne respecteraient pas nos standards sociaux et environnementaux », détaille Anne Sander.
L’environnement et l’alimentation au cœur du débat…
En ce qui concerne les sujets environnementaux, les leviers à activer pour le déploiement de l’agriculture biologique ont été plusieurs fois évoqués. La France Insoumise promeut ainsi l’instauration de contrat de conversion, quand LaREM souligne son intention de structurer la filière : « Les aides ne devront pas uniquement concerner l’installation ou les conversions. Il faut que le bio soit attractif, pour que cela soit rentable pour les agriculteurs », détaille Jérémy Decerle, numéro quatre de la liste LaREM.
Autre sujet dans l’actualité, la question de l’usage des pesticides. Jérémy Decerle (LaREM) affirme que l’objectif du gouvernement de réduire de 50 % leur usage d’ici à 2025 sera dans leur programme, néanmoins pas encore finalisé. Une question également abordée à travers le spectre de la qualité de l’eau, dont se sont inquiétés les portes paroles de la France insoumise et EELV, qui plaident pour une sortie totale des pesticides. Chez ces derniers, l’accent est également mis sur l’affranchissement de la dépendance au pétrole pour la fertilisation azotée. Et ce, en misant sur l’agronomie via, par exemple, la valorisation du potentiel de fixation de l’azote des légumineuses. Benoît Biteau, d’EELV nuance néanmoins : « Il n’est pas question de remettre en cause l’irrigation et le stockage de l’eau, mais de replacer les actions en adéquation avec ce que permettent les ressources. »
… mais aussi la question des OGM
Contrairement à de nombreux acteurs du secteur agricole, la porte-parole de la France Insoumise s’est félicitée de la décision de la Cour de justice européenne de considérer comme OGM les organismes issus des nouvelles techniques de sélection. « Celles-ci vont favoriser les profits de ceux qui déposent des brevets, et non pas les agriculteurs et la qualité de notre alimentation », affirme Laurence Lyonnais. Même son de cloche du côté du Rassemblement national, qui propose la création d’un fonds souverain du vivant, afin d’assurer que les bénéfices de l’exploitation de propriétés du vivant reviennent à la collectivité.
Payer les services rendus par le secteur agricole
La volonté générale demeure tout de même d’inclure l’agriculture et ses acteurs à l’équation pour faire face aux défis environnementaux. « Le verdissement doit se faire avec, et pas contre, les agriculteurs », prévient Anne Sander de Les Républicains. Cette dernière se prononce ainsi en faveur de l’instauration de paiements pour les services rendus par les agriculteurs dans les territoires. Une proposition également formulée par EELV, dans une logique d’accompagnement de la préservation des écosystèmes, et ainsi éviter, par la suite, des réparations coûteuses. La question de la gestion des risques a également été abordée. Jérémy Decerle affirme vouloir s’inspirer du modèle américain pour la mise en place de formules de contrats cycliques.
(1) Sont intervenus : Jérémy Decerle (LaREM), Laurence Lyonnais (La France insoumise), Hervé Juvin (Rassemblement national), Benoît Biteau (Europe Écologie - Les Verts), Olivier Mevel (UDI), Éric Andrieu (Parti Socialiste), Anne Sander (Les Républicains)