Les acteurs agricoles veulent « remettre la question de l’eau sur le devant de la scène »
Le | Politique
L’épisode de sécheresse de l’été 2019 l’a montré : la gestion de la ressource en eau est de plus en plus cruciale, pour faire face aux aléas climatiques. Pour insister sur ce point, Andhar-Draineurs de France, l’Association française pour l’eau, l’Irrigation et le drainage (AFEID), les chambres d’agriculture, Irrigants de France et l’Association française d’agronomie (AFA) ont fait bannière commune au Salon de l’agriculture, dans un stand intitulé « Eau, sols, agricultures et territoires ». Le message des partenaires : la maîtrise de la ressource en eau est essentielle pour que les agriculteurs puissent faire face au réchauffement climatique. « Nous voulons montrer que l’irrigation et le drainage ne sont pas néfastes, mais qu’ils sont, au contraire, des facteurs de résilience, explique Luc Servant, vice-président du réseau des chambres d’agriculture (APCA). On parle beaucoup de couvrir les sols, pour le stockage du carbone, mais cela ne marche pas quand le sol est trop sec. »
3 % des précipitations utilisées par l’agriculture
Dans ce cadre, les partenaires veulent lutter contre les idées reçues sur l’irrigation. « L’eau consommée par les agriculteurs ne représente que 3 % des précipitations, dont la moitié est utilisée pour l’irrigation », explique André Bernard, vice-président de l’APCA. Autre critique formulée, le drainage favoriserait les pollutions de l’eau. « C’est faux. Quand il pleut, la tendance est de mettre plus d’intrants en prévision. Maîtriser la quantité d’eau que l’on apporte permet de raisonner l’impact des intrants », indique François Brelle, président de l’Afeid. Un argument étayé par le vice-président de la structure, Bernard Vincent : « Le drainage n’est pas un permis de polluer, comme cela peut se faire dans d’autres pays. C’est un outil de gestion du bilan hydrique, de sécurisation de l’alimentation et de préservation des sols. »
Pour une gestion partagée de l’eau
Les partenaires en appellent à la mise en place de projets de territoire multi-usages. « L’eau n’est plus la seule problématique du seul secteur agricole, les besoins augmentent et les pollutions ne sont plus uniquement agricoles », note Luc Servant. Le ministère de l’Agriculture a annoncé, l’automne 2019, la mise en œuvre d’une centaine de projets de gestion partagée de l’eau d’ici à 2027. « Nous attendons la traduction concrète de ces paroles en actes. Il est grand temps de renforcer politiquement les systèmes d’accès à l’eau en France », plaide André Bernard. Pour appuyer son propos, ce dernier rappelle que pour la campagne 2018-2019, le fonds de calamités agricoles va redistribuer plus de 350 millions d’euros. L’indemnisation étant fixée à 35 % des pertes, cela représente des dégâts à hauteur d’un milliard d’euros. « L’Espagne peut stocker jusqu’à 45 % des précipitations, nous seulement 4 %. Pourquoi les citoyens qui stockent de l’eau sont considérés comme vertueux, alors que les agriculteurs sont taxés de criminels ? », interroge André Bernard.
Lutter contre l’artificialisation des sols
Les partenaires militent également contre l’artificialisation des terres agricoles. « Aujourd’hui, nous drainons trois millions d’hectares chaque année. La compensation écologique pour les zones humides se situe entre 30 et 60 000 ha, ce qui correspond aux surfaces imperméabilisées en un an. Arrêtons de faire du parking ! », scande Bernard Vincent. Les partenaires attendent des moyens financiers et une simplification administrative de la mise en place de projets de gestion de l’eau sur le territoire, dont le processus administratif demeure lourd et qui sont souvent attaqués sur le terrain. « Emmanuel Macron a rappelé au Salon de l’agriculture le besoin d’avoir une agriculture compétitive, de proximité, et pouvant être exportée. Cela passe par la sécurisation de l’eau », conclut André Bernard. Actuellement, 40 % de l’alimentation humaine mondiale dépend de l’agriculture irriguée.