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Les aides de l’UE à l’agriculture bio manquent leurs objectifs, selon la Cour des comptes européenne

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« Les 12 Md€ investis par l’Union européenne entre 2014 et 2022 ne permettront pas d’atteindre l’objectif de 25 % de terres converties en bio en 2030 » : telle est l’une des conclusions des auditrices en charge du rapport à la Cour des comptes européenne portant l’agriculture biologique.

Les aides de l’UE à l’agriculture bio manquent leurs objectifs, selon la Cour des comptes européenne
Les aides de l’UE à l’agriculture bio manquent leurs objectifs, selon la Cour des comptes européenne

« Les 12 Md€ investis par l’Union européenne entre 2014 et 2022 ne permettront pas d’atteindre l’objectif de 25 % de terres converties en bio en 2030, au rythme actuel : seules 10,5 % des terres étaient bio en 2022, et il faudrait doubler la cadence pour atteindre l’objectif. Mais ce n’est pourtant pas notre principale préoccupation : les aides à l’agriculture bio manquent d’efficacité, du fait de plusieurs lacunes et incohérences dans le dispositif. Au moment où les budgets européens sont sous pression, avant la renégociation du mécanisme pluriannuel de financement, il était opportun d’évaluer l’efficacité de ces aides, conséquentes mais améliorables », déclarent Keit Pentus-Rosimannus et Mihaela Văcărașu, auditrices en charge du rapport à la Cour des comptes européenne, lors de sa présentation à Luxembourg, le 23 septembre 2024.

Des aides conséquentes pour des résultats hétérogènes

Le rapport établi par la Cour des comptes européennes (CCE) a étudié les marchés et les filières de quatre états membres, représentatifs de différents niveaux de maturité et de pénétration de l’agriculture biologique dans les systèmes agricoles européens : l’Autriche, dont l’agriculture est bio à 25 %, l’Italie (19 %), le Danemark (9 %) , et la Roumanie, où le bio ne représente que 6 % des terres agricoles. Les ventes de produits bio représentaient 4 % des ventes de produits alimentaires, avec de fortes disparités selon les pays : les foyers dépensent en moyenne 375 €/ an en produits bio au Danemark, et 2 €/an en Roumanie.

Les principales lacunes et incohérences des aides à l’agriculture bio, selon la CCE

  • Des aides principalement calculées à l’hectare : le système d’indexation des aides sur le nombre d’hectares reconvertis, intégré dans les calculs généraux des aides PAC dans les Plans de développement rural (PDR) des pays membres, sans autre critère, orientent les reconversions de prairies vers des terres cultivées en bio, excluant d’autres filières, tel l’élevage laitier, du paysage agricole. Et le manque d’efforts vis-à-vis de la production et des marchés engendre de réels déséquilibres, avec le risque de créer « un système entièrement dépendant des aides de l’UE », alertent les auteurs du rapport.

  • L’absence de suivi de la production en bio : L’absence de contrôle, ainsi que de directives claires permet des dérives de tout type. Il n’est pas obligatoire de planter en bio sur des terres déclarées bio, et les principes de l’agriculture biologique ne sont pas nécessairement respectés. Plus d’un tiers des fermiers ne pratiquent pas la rotation annuelle des cultures, ce qui entraîne un appauvrissement des sols, et un recours plus massif aux intrants ; seule l’Italie a publié des recommandations et des instructions sur le sujet à destination de ses agriculteurs.

  • l’absence d’indicateurs dédiés : En l’absence de données chiffrées sur les effets de la reconversion en bio, par exemple sur la santé des sols, il est impossible de visualiser les progrès accomplis, et de comparer les performances des secteurs, des zones ou des pays. Si les pays membres ont tous intégré la PAC dans leurs PDR, cette absence de données obère leur capacité à suivre et à contrôler la pertinence et l’efficacité de leurs plans stratégiques dédiés à l’agriculture biologique.

  • Le manque de visibilité à moyen terme : L’objectif de 25 % de terres bio en Europe reste annoncé, mais les trajectoires des pays ne sont pas homogènes, de même que la pénétration du bio dans leurs systèmes agricoles. Il n’y a pas d’objectif au-delà, ce qui limite la visibilité des agriculteurs. A plus court terme, des incertitudes subsistent sur le niveau et les modalités d’aides accordées au bio dès 2027, dans le cadre de la prochaine PAC.

Les recommandations de la Cour des Comptes à la Commission pour améliorer le système d’aides à l’agriculture biologique

La Cour des Comptes propose trois recommandations génériques, à intégrer entre fin 2026 et fin 2028.

  • Renforcer le cadre stratégique de l’UE pour le secteur biologique et améliorer le lien avec le soutien de la PAC

  • Mieux intégrer les objectifs environnementaux et de marché de l’agriculture biologique dans la PAC

  • Veiller à la disponibilité de données pertinentes pour évaluer le développement de l’agriculture biologique