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«  L’objectif de surface en bio s’éloigne plus encore  », Philippe Camburet, Fnab

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La Fnab demande au gouvernement le versement d’une avance de 85 % des aides européennes à la conversion en agriculture biologique à compter du 16 octobre 2024, date à laquelle les premiers versements d’aides européennes peuvent débuter, indique-t-elle le 25 septembre 2024. Explications avec Philippe Camburet, président de la Fnab

Philippe Camburet, le président de la Fnab. - © Référence agro
Philippe Camburet, le président de la Fnab. - © Référence agro

La Commission européenne a récemment autorisé le versement des avances d’aides européennes. Qu’en est-il en France pour les agriculteurs biologiques ?

À ma connaissance, la ministre ne s’est pas encore emparée du sujet, ce qui nous désole. Les agriculteurs sont payés un an ou deux après leur engagement et cela ne semble gêner personne. Puisque la Commission européenne s’est prononcée sur la façon de faire des États membres, c’est l’occasion de rétablir la justice. D’ailleurs, elle nous donne raison dans bien des cas quand on va l’interroger.

Aujourd’hui, il est intolérable d’avoir des délais de paiement de ce type. Il n’y a pas de raison d’être moins bien traité en agriculture biologique par rapport à l’agriculture conventionnelle. Ce calendrier doit être changé pour suivre les recommandations de la Commission européenne.

Les derniers chiffres de l’Agence bio montrent une augmentation des conversions, mais surtout une progression des arrêts. Les surfaces vont-elles baisser en 2024 ?

Les arrêts se concentrent surtout sur les grandes cultures, ce qui va mécaniquement faire baisser les surfaces en agriculture biologique. Le phénomène de compensation observé les années précédentes ne va malheureusement pas se reproduire cette année. Aujourd’hui, les candidats à l’installation ne sont pas au rendez-vous. Je m’attends à des chiffres malheureusement plus mauvais pour 2024 que pour 2023. L’objectif de surface en bio que le gouvernement s’est lui-même fixé s’éloigne plus encore. Nous avions déjà du mal à l’atteindre mais c’est de moins en moins possible.

Ce n’est pas avec un plan d’urgence sous-dimensionné que nous allons y arriver. Je vous rappelle que le président Macron, lors de sa campagne présidentielle, avait fixé l’objectif de 15 % de surfaces en bio en 2022. Nous sommes à peine à plus de 10 % aujourd’hui. Dans la PAC, le plan stratégique national (PSN) s’est fixé 18 % en 2027. La planification écologique évoquait le doublement des surfaces de 10,5 % à 21 % en 2030. Et l’Union européenne, dans le cadre de sa mise en application du Green Deal, a fixé une moyenne de 25 % en 2030. Ces différents objectifs sont intenables dans la situation actuelle.

Quels moyens supplémentaires demandez-vous ?

Nous bataillons pour obtenir des budgets pour soutenir la demande. Aujourd’hui, beaucoup de choses échappent aux consommateurs en matière de process de transformation, d’origine des produits, d’ingrédients utilisés. Il est important de rappeler ce qu’est un produit bio : à 80 % un produit français, la plupart du temps de saison, produit localement et sans pesticide de synthèse ni engrais chimique. Nous n’avons pas eu l’argent nécessaire pour continuer la campagne de communication Bioréflexe. Et nous avons perdu en notoriété. Nous avons besoin de budget pour communiquer sur nos produits auprès des consommateurs. 18 M€ ont été alloués de 2023 à 2026 pour les produits biologiques, mais ce n’est pas suffisant quand on compare ce budget à celui de la grande distribution.

Actuellement, la capacité de production bio se réduit, les cheptels se réduisent, etc. Pour les libéraux les plus convaincus, le marché doit soutenir la production. Mais le marché comme actuellement se retourne. Nous voyons bien qu’il ne faut pas tout miser sur le marché. Il y a des fermes qui sont en train de perdre leur capacité de production, et on manquera de production pour satisfaire la demande l’année prochaine, dans le porc bio, dans le lait bio mais aussi pour le blé bio. C’est une aberration absolue. Nous risquons de retomber dans le schéma d’importation qui nous a été reproché. Nous sommes au rendez-vous de la production, sauf que nous n’avons personne pour nous soutenir.

À cela vient évidemment s’ajouter la question des 20 % de restauration collective. Ce sera l’une de nos questions à la ministre : que va-t-elle faire pour que soit respectée la loi Egalim dans notre pays ?