Loi Egalim : ne pas dénaturer le modèle coopératif
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Un an après l’entrée en vigueur de la loi Egalim, les sénateurs du groupe de suivi ont déposé le 5 novembre auprès du sénat une proposition de modification de la loi. « Il y a urgence, a averti Sophie Primas, présidente de la Commission des affaires économiques. Notre objectif n’est pas de refaire la loi, elle doit poursuivre ses deux ans d’expérimentation. Mais là, des PME sont dans le rouge, et pourraient fermer en 2020. » L’enjeu de ces ajustements est de s’attaquer aux effets de bords identifiés pour retrouver le fondement même de la loi, assurer une meilleure rémunération des agriculteurs. « La loi Egalim a profité aux grandes marques qui reprennent des parts de marchés au détriment des marques distributeurs et des entreprises proches des coopératives et des agriculteurs », résume la sénatrice.
Trois mesures d’urgence pour redresser le cap
Cette proposition, qui devrait être étudiée début janvier, s’appuie sur trois mesures correctives. La première touche l’encadrement des promotions, avec un étau à desserrer pour permettre aux entreprises qui décrochent de regagner des parts de marché. Le réajustement automatique des prix en cas de forte hausse du coût des matières premières composant le produit fini est aussi avancé. Troisième mesure d’urgence : supprimer la possibilité pour un juge de sanctionner financièrement les coopératives ayant pratiqué une rémunération des apports abusivement basse.
La relation avec l’adhérent n’est pas une relation commerciale basique
« L’ordonnance sur la coopération, publiée le 25 avril 2019 et entrée en vigueur dès le 1er juillet, pose en effet un problème de fond, en assimilant les coopératives à des sociétés commerciales privées et en exposant l’ensemble des associés-coopérateurs à de lourdes sanctions financières, précise Dominique Chargé, président de Coop de France. Cela peut induire une judiciarisation de la relation entre coopérative et coopérateur en cas de mécontentement de l’un des adhérent sur le prix touché. » Sans modification de ce dernier point, le Sénat évoque clairement le fait que « des coopératives sont en danger si leur responsabilité peut être engagée pour prix abusivement bas ». Comme le rappelle Dominique Chargé, « la rémunération des apports des coopérateurs se décide en assemblée générale. Ces décisions, démocratiques, ne peuvent en aucun cas être répréhensibles ensuite, devant un juge. Une telle mesure dénaturerait notre modèle coopératif en ramenant la relation adhérent à une relation commerciale basique ».
Un contentieux toujours en cours
Depuis le mois de juin, un contentieux est en cours devant le juge administratif. L’enjeu : connaître la légalité de cette ordonnance. « Tant qu’aucun avis n’a été rendu, un flou juridique persiste, concède Dominique Chargé. Nous espérons un retour rapide. Via cette loi, c’est la question de la compétitivité de l’ensemble du secteur agricole et agroalimentaire qui est posée et en particulier, tout le fonctionnement économique des territoires, porté par les coopératives ».