Loi sur la biodiversité : les professionnels se disent très attentifs
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Pour Ségolène Royal, ce projet de loi « vise à rétablir avec la nature des relations non seulement harmonieuses mais fructueuses, bonnes pour la santé, bonnes pour l’innovation et bonnes pour l’emploi. »
Pour les sénateurs, « bien que contenant de nombreuses avancées », cette loi reste fragile. Elle « exigera une mobilisation de tous les acteurs pour que les actions en faveur de la biodiversité soient réellement effectives. »
La FNSEA critique un bilan mitigé. Sur le sujet des néonicotinoïdes, le syndicat estime que les dérogations jusqu’en 2020 « n’est pas la bonne solution » pour les agriculteurs qui « subissent sans cesse des aléas climatiques et sanitaires, doublés d’aléas économiques. La réalité des exploitations n’a pas été suffisamment prise compte. » Autre point de mécontentement : le principe de non-régression de la protection de l’environnement, la FNSEA craint de nouvelles contraintes et charges. Mais note toutefois des avancées : l’officialisation des services environnementaux rendus pas les agriculteurs, la place dans l'Agence française de la biodiversité, AFB, ou encore la définition claire des cours d’eau pour favoriser leur entretien.
Les Jeunes agriculteurs, JA, déplorent la création du zonage prioritaire pour la biodiversité, « une disposition aberrante pour la profession qui travaille déjà avec une douzaine de zonages environnementaux. »
La Confédération paysanne déplore des mesures qui vont mettre en danger la biodiversité, comme les délais accordés à l’interdiction sur les néonicotinoïdes, la porte laissée ouverte au brevetage des gènes natifs, la restriction aux associations à but non lucratif de la reconnaissance du droit d’échanger leurs semences et plants qui n’appartiennent pas à une variété protégée. Ce dernier point étant considéré comme un « recul pour les petits maraîchers et les artisans semenciers. »
Les chambres d’agriculture ne mâchent pas leurs mots, estimant que le texte voté pourrait être considéré comme la victoire de l’écologie punitive. Elles craignent les mesures concernant le préjudice écologique, soulignant le risque de contentieux. Et déplorent l’accumulation de mesures de protection , qui s’ajoutent aux outils déjà disponibles : zonages environnementaux (PNR, N2000…), trame verte et bleue, arrêtés biotope… « La mesure réglementaire obligatoire concernant les Zones prioritaires pour la biodiversité (ZPB) sera contre-productive si elle ne s’inscrit pas dans une stratégie fondée sur la responsabilisation des acteurs du territoire, indiquent également les chambres. Ce nouvel outil rend donc plus complexe les politiques en faveur de la biodiversité. » Sur l’interdiction des néonicotinoïdes, elles s’interrogent sur l’application des dérogations possibles jusqu’en 2020 et invitent l’Etat à mettre l’accent sur la recherche de solutions alternatives efficientes. Elles souhaitent que la présence des représentants agricoles soit assurée au sein de l’AFB et de ses déclinaisons territoriales.
Sur l’interdiction des néonicotinoïdes, « qui va conduire les agriculteurs dans une impasse », Coop de France « rappelle que cette décision ne suit pas les recommandations de l’Anses du début d’année », et ne se fait guère d’illusion sur l’obtention de dérogations.
L’Union nationale de l’apiculture française, Unaf, dénonce des délais trop tardifs sur l’interdiction des néonicotinoïdes. « Alors que près de 300 000 colonies d’abeilles disparaissent chaque année en France et que ces insecticides présentent une rémanence exceptionnelle pouvant se compter en années, ces délais accordés au lobby de l’agrochimie nuiront encore une fois à la biodiversité et à l’apiculture », indique l’Unaf.
« Malgré ses manques, la nouvelle loi votée aujourd’hui comporte suffisamment d’éléments novateurs, de nouveaux principes et de mesures concrètes pour que nos organisations soulignent les progrès obtenus », indiquent dans un communiqué commun les associations environnementales LPO, FNE, Humanité et biodiversité, l’ANPCEN, le WWF et la FNH.
« Une agriculture sans néonicotinoïdes, c’est possible, se félicite à titre individuel France nature environnement. (…) Les alternatives sont nombreuses et ne demandent qu’à se généraliser. (…) De nombreux agriculteurs engagés dans le réseau des fermes Déphy démontrent chaque jour qu’une baisse de l’usage des pesticides est possible. »
La Fondation Nicolas Hulot estime que l’interdiction des néonicotinoïdes en 2018, est « un grand pas vers la sauvegarde des abeilles ». L’État doit accompagner les agriculteurs dans la mise en place d’alternatives, « notamment financièrement avec le plan d’investissement doté de 40 millions d’euros ». FNH craint toutefois que les dérogations possibles jusqu’en 2020 n’affaiblissent la portée de cette interdiction.
Pour Europe Ecologie les Verts, la loi apporte des avancées mais qui ne répondent pas à l’urgence des enjeux. EELV regrette le recul sur la taxation de l’huile de palme, les dérogations « mal définies » aux néonicotinoïdes jusqu’en 2020. Le groupe est en revanche satisfait des mesures sur la protection des espèces endémiques ainsi que la reconnaissance du préjudice écologique et de la biopiraterie.