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Loi sur la biodiversité : ping-pong entre l’Assemblée nationale et le Sénat

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Un an après avoir été examiné en première lecture, le projet de loi sur la reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages est revenu à l’Assemblée nationale, du 15 au 18 mars 2016. Plus de 800 amendements ont été déposés. Le texte avait été discuté et modifié en Commission Développement durable du 1er au 9 mars. Un certain nombre de dispositions avaient été supprimées par les sénateurs en juillet 2015. Plusieurs ont refait leur apparition, à l’instar de l’interdiction des néonicotinoïdes et des zones prioritaires pour la biodiversité. Le texte remanié a été transmis au Sénat pour une deuxième lecture, à partir du 10 mai. Quels sont les changements ?

  • Les députés ont introduit le préjudice écologique dans le code civil, soit le principe pollueur-payeur. Le projet de loi créé un régime de réparation d’un préjudice « résultant d’une atteinte non négligeable aux éléments et aux fonctions des écosystèmes ainsi qu’aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement. » Les actions en réparation seraient ouvertes « à l’État, au ministère public, à l’Agence française pour la biodiversité, aux collectivités territoriales et à leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi qu’à toute personne ayant qualité et intérêt à agir. » La réparation du préjudice écologique s’effectue par priorité en nature. En cas d’impossibilité ou d’insuffisance des mesures de réparation, des dommages et intérêts pourraient être versés au demandeur. Lequel devra les affecter prioritairement à la réparation de l’environnement, et subsidiairement à sa protection.
  • Les députés ont notamment inscrit dans le texte l’interdiction d’utiliser, à partir du 1er septembre 2018, des produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes, y compris les semences traitées avec ces produits. Le Sénat avait, en première lecture, adopté la parution d’un arrêté déterminant des conditions d’utilisation de ces produits afin de tenir compte de l’avis de l’Anses publié le 7 janvier 2016. En première lecture, les députés s’étaient déjà positionnés en faveur sur cette interdiction, qu’ils souhaitaient plus précoce, au 1er septembre 2017.
  • L’Assemblée nationale a voté un amendement pour donner aux régions l’initiative de créer des délégations territoriales de l’Agence française pour la biodiversité, dénommées agences régionales de la biodiversité. Les départements peuvent s’y associer, au titre de leur compétence en matière d’espaces naturels sensibles. La future Agence française pour la biodiversité (AFB) perd le rôle d’information et de conseil sur l’utilisation des produits phytosanitaires que lui avait conféré le Sénat, ainsi que l’évaluation des dommages agricoles et forestiers causés par les espèces animales protégées.
  • Concernant la partie du texte sur l’accès au partage des ressources génétiques, les députés demandent un retour aux communautés locales sur l’usage des ressources et de les consulter sur les savoir-faire liés à cette biodiversité.
  • La compensation écologique est précisée. Elle doit se traduire par une obligation de résultats et être effective pendant la durée des impacts. Elle ne peut se substituer aux mesures d’évitement et de réduction. L’observatoire de la consommation des espaces agricoles devra être consulté au sujet de l’inventaire national qui va répertorier les espaces à fort potentiel de gain écologique pouvant être mobilisés pour des mesures de compensation.
  • Les obligations réelles environnementales retrouvent les principes adoptés par l’Assemblée. Elles formalisent les engagements entre propriétaires, agriculteurs et collectivités.
  • Les députés ont réintégré les zones prioritaires pour la biodiversité. L’amendement crée la possibilité d’établir un nouveau zonage afin de protéger l’habitat d’une espèce protégée au titre de l’article L. 411 1 du code de l’environnement. Des aides sont prévues si les pratiques agricoles rendues obligatoires induisent des surcoûts ou des pertes de revenus.
  • Concernant l’huile de palme, les sénateurs prévoyaient une taxe de 300 euros la tonne en 2017 et 900 euros la tonne en 2020. Les députés ont fortement réduit cette mesure. Ils ont voté pour une surtaxe de 30 euros en 2017 et 90 euros en 2020. Objectif : ne pas déstabiliser brutalement les approvisionnements des entreprises installées en France, ainsi que les revenus des producteurs de ces huiles. Le produit de la taxe irait au fond qui gère la retraite complémentaire obligatoire agricole, afin d’amorcer un renforcement de son financement.
  • Les députés ont supprimé l’interdiction sur une période de 90 jours de la destruction mécanique de la jachère, des bordures de champs et de cours d’eau et de tous terrains à usage agricole sans enjeu économique. L’amendement avait été adopté par la Commission développement durable.