Référence agro

Mutagenèse et OGM, le secteur agricole dénonce un frein à la compétitivité

Le | Politique

Coup de tonnerre pour le secteur agricole et semencier français. Saisi en 2015 par des associations anti-OGM, le Conseil d’État a enfin donné, le 7 février, son verdict sur l’application en droit français de la directive de 2001 relative aux OGM. Le Conseil suit l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et juge que les organismes obtenus au moyen des techniques de mutagenèse qui sont apparues ou se sont principalement développées depuis l’adoption de la directive de 2001, doivent être soumis aux obligations imposées aux OGM par cette directive.

L’avis du HCB nécessaire pour les techniques antérieures à 2001

Cela inclut les techniques de mutagenèse dirigée, mais aussi la mutagenèse aléatoire in vitro, utilisées notamment pour rendre les cultures tolérantes aux herbicides. Les variétés obtenues par des techniques plus anciennes et dont la sécurité est avérée depuis longtemps ne sont pas concernées.

Le Gouvernement devra publier, après avoir consulté le Haut conseil des biotechnologies (HCB), un décret contenant « la liste limitative des techniques ou méthodes de mutagenèse traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps ». Des techniques de sélection antérieures à 2001 pourraient donc être visées par la réglementation OGM, si le Gouvernement estime que le recul n’est pas suffisant. « C’est pourquoi il nous est difficile d’établir clairement les impacts pour la filière semencière et l’agriculture française, car le périmètre n’est pas encore clair. Nous allons donc attendre la position du Gouvernement », indique Claude Tabel, président de l’UFS, l’Union française des semenciers.

Le Conseil d’État estime par ailleurs qu’en vertu du principe de précaution, le Gouvernement doit prendre des mesures de prévention pour l’utilisation de variétés de plantes rendues tolérantes aux herbicides (VRTH). Il s’appuie sur l’avis de l’Anses délivré fin 2019 sur les VrTH.

Levée de bouclier du monde agricole

Sans surprise, les associations qui avaient déposé le recours se félicitent de la décision du conseil d’État, à l’inverse d’une large partie du monde agricole. Dans un communiqué, 27 organisations professionnelles « attirent l’attention du gouvernement sur les risques générés par cette jurisprudence », estimant qu’elle sera un frein à l’innovation et la compétitivité agricoles françaises. Elles insistent sur la nécessité de « faire évoluer une réglementation européenne obsolète. La Commission européenne a pris en compte le décalage entre le champ des possibles offert par la sélection variétale et le cadre juridique actuel en initiant deux études d’impact sur le sujet. Les travaux sont lancés, les 27 organisations professionnelles s’en félicitent et sont prêtes à contribuer aux débats.

Neuf mois pour identifier les possibles retraits de variétés

De son côté, le ministère de la Transition écologique a simplement indiqué avoir pris acte de la décision et « va étudier de manière approfondie la décision du Conseil d’État, afin de la mettre en œuvre ». Le Gouvernement dispose d’un délai de six mois pour modifier l’article D. 531-2 du code de l’environnement, qui transpose la directive OGM en droit français. Il devra dans les neuf prochains mois identifier les variétés obtenues par ces techniques de mutagenèse qui ont été inscrites au catalogue officiel sans avoir fait l’objet de la procédure d’évaluation des risques applicable aux OGM.

« Cela pourra amener en pratique à retirer les variétés concernées du catalogue et à en suspendre la culture », indique le Conseil d’État dans un communiqué. Concernant les VRTH, le Conseil d’État donne au Gouvernement un délai de six mois pour mettre en place des mesures en lien avec les recommandations de l’Anses.