Perturbateurs endocriniens : critères de définition (enfin) dévoilés
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Condamnée fin décembre 2015 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour ne pas avoir respecté la législation européenne lui imposant d’encadrer les perturbateurs endocriniens dès décembre 2013, la Commission européenne tente désormais d’accélérer les démarches. Elle a, le 15 juin, rendu public deux projets d’actes législatifs qui fixent les critères d’identification des perturbateurs endocriniens dans le domaine des pesticides et des biocides. Ces critères sont fondés sur la définition d’un perturbateur endocrinien de l’OMS : la substance doit avoir des effets indésirables sur la santé humaine, doit présenter un mode d’action endocrinien ainsi qu’un lien de causalité entre l’effet indésirable et le mode d’action doit exister. La Commission précise que des preuves scientifiques pertinentes doivent être mises en évidence. Ces critères interdisent donc les substances en fonction de leur dangerosité, sans prise en compte de l’exposition. Mais la Commission propose cependant, pour les produits phytopharmaceutiques, d’adapter les motifs de dérogation éventuelle afin de tenir compte des connaissances scientifiques les plus récentes et notamment les informations relatives à l’exposition et au risque. Ces critères doivent maintenant passer devant le Conseil et le Parlement européen et être soumis au vote des Etats membres.
Insatisfaction de tous côtés
L’UIPP (Union des industries de la protection des plantes) et l’ECPA (European crop protection association) regrettent l’absence de critères qui distinguent clairement les substances préoccupantes de celles qui ne le sont pas. Les industriels plaident pour la prise en compte de la puissance des effets de chaque substance, l’exposition à celle-ci, la sévérité et la réversibilité ou non des effets sanitaires. Elles déplorent par ailleurs « que l’impact socio-économique de telles décisions n’ait pas été pris en compte » et redoutent que les agriculteurs européens soient privés de solutions essentielles à la lutte contre les parasites des cultures.
Une position à laquelle adhère le Copa-Cogeca, qui rassemble les producteurs et coopératives européens. Ces derniers s’alarment par ailleurs de futures distorsions de concurrence.
Le Collectif Sauvons les Fruits et Légumes de France alerte également les pouvoirs publics « sur les conséquences d’une définition « hors-sol » de ces critères mettant à mal le peu de solutions de protection à disposition des producteurs ». Le Collectif fait notamment référence à l’azadirachtine, plus connue sous le nom de « huile de neem », couramment utilisée comme insecticide en agriculture biologique, sur des productions telles que pommes, pêches, cerises et prunes.
Les associations environnementalistes comme Générations futures, de leur côté, s’inquiètent non seulement de la nécessité du niveau de preuve « extrêmement élevé » pour obtenir le classement perturbateur endocrinien mais également des dérogations envisagées.
Les groupes PPE (Parti populaire européen) et Socialistes & Démocrates du Parlement européen, quant à eux, ont fait savoir qu’ils chercheraient à renforcer les propositions de la Commission vers une meilleure prise en compte du principe de précaution.
Même position du côté du ministère de l’Environnement français. Dans un communiqué daté du 17 juin, Ségolène Royal indique qu’elle demande à la Commission de proposer une version plus protectrice de la santé et de l’environnement : définition incluant également les perturbateurs endocriniens présumés ou suspectés afin d’initier des démarches de prévention avant que toutes les confirmations scientifiques soient disponibles ; réduction du niveau de preuve pour identifier les substances PE ; non révision des dérogations possibles.