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Pesticides et santé : Le gouvernement prend acte du rapport de l’Inserm

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L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a rendu publique son expertise collective sur les effets des pesticides sur la santé. Ce rapport, commandé par la Direction générale de la santé, s’appuie sur les données de la littérature scientifique internationale publiées au cours des 30 dernières années. Selon l’analyse d’un groupe d’experts, « il semble exister une association positive entre exposition professionnelle à des pesticides et certaines pathologies chez l’adulte : la maladie de Parkinson, le cancer de la prostate et certains cancers hématopoïétiques (lymphome non hodgkinien, myélomes multiples) ».

Les expositions aux pesticides intervenant au cours des périodes prénatale et périnatale ainsi que lors la petite enfance apparaissent par ailleurs être particulièrement à risque pour le développement de l’enfant. Ces conclusions ne resteront pas lettre morte, précisent dans un communiqué commun en date du 14 juin les ministères chargés de la Santé, de l’Ecologie et de l’Agriculture.

Les recommandations de l’Inserm « devront faire l’objet d’une analyse précise en lien avec les orientations déjà prises dans le cadre du plan Ecophyto, de la révision des tableaux de maladies professionnelles, de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens ou de l’organisation du suivi post autorisation de mise sur le marché des produits phytosanitaires dont l’organisation sera précisée dans la loi d’avenir pour l’agriculture », détaille le communiqué. L’étude sera par ailleurs transmise aux autorités européennes pour une prise en compte dans la réévaluation des substances actives. Enfin, Stéphane Le Foll a saisi l’Anses afin qu’elle évalue l’impact de ces nouvelles données sur les autorisations nationales existantes.

L’Inserm appelle à davantage de recherche

Dans le rapport, les experts soulignent que plusieurs pesticides visés sont déjà interdits. Ils rappellent par ailleurs que « ne pas être en mesure de conclure ne veut pas dire obligatoirement qu’il n’y a pas de risque », et que si certaines substances actives ont été souvent étudiées, de nombreuses autres n’ont pas fait l’objet d’études épidémiologiques. Entre autres recommandations, les experts suggèrent :

  • d’améliorer les connaissances sur l’exposition des populations agricoles mais également de la population générale dans les différents environnements de vie, avec entre autres des données tout au long de la vie pour les expositions des professionnels, des recueils de notifications d’intoxications aiguës, des recherches sur les expositions à des molécules interdites et pour lesquelles des effets sont fortement suspectés… ;
  • de donner aux chercheurs et aux médecins du travail l’accès aux compositions intégrales des produits commerciaux, les adjuvants pouvant participer à la toxicité des substances actives ;
  • d’intensifier la recherche de lien entre exposition et pathologies, afin de mieux caractériser les substances actives, les familles de substances et les mélanges qui pourraient être impliqués dans la survenue de ces pathologies, susceptibles, le cas échéant, d’être reconnues comme maladies professionnelles ; de mieux comprendre l’effet de l’exposition dans les populations vulnérables et de prendre en considération l’exposition pendant les périodes de vulnérabilité ;
  • et enfin, d’approfondir les connaissances sur la toxicité des pesticides en mélanges.

Les réactions fusent

L’UIPP dit accueillir « avec sérieux » ce rapport et confirme que « la grande majorité des molécules mentionnées ne sont plus sur le marché », ce qui prouve selon elle que la procédure d’autorisation de mise sur le marché est efficace et protectrice. L’Union des industries de la protection des plantes parle d’une synthèse « fidèle » à l’état de ses connaissances, qui la « conforte dans les actions déjà engagées par elle ces dernières années » dans le domaine de la prévention des risques : école des bonnes pratiques phytopharmaceutiques, campagne de sensibilisation… Elle rappelle par ailleurs que les molécules encore sur le marché et citées dans le rapport ont vu leur encadrement largement renforcé.

L’association Phyto-Victimes demande quant à elle que « le législateur inscrive dès à présent aux tableaux des maladies professionnelles du régime agricole toutes les pathologies listées dans cette publication, comme le LNH (lymphome non hodgkinien), pour lesquelles les chercheurs pointent des présomptions fortes ». Enfin, Générations futures se félicite des recommandations du rapport, qui vont dans le sens de ses revendications. Notamment en ce qui concerne la prise en compte des effets des mélanges et la transparence quant à la composition des produits. L’association en appelle à « une action publique forte et rapide en matière de réduction de l’usage des pesticides et d’exclusion des substances actives suspectées d’être cancérigènes, mutagènes, perturbateurs endocriniens ou neurotoxiques ». Elle souhaite l’interdiction de vente aux collectivités publiques et aux utilisateurs non professionnels.