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Phytosanitaires : controverses autour du rapport de la mission parlementaire

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Si tous les acteurs mobilisés autour de la question des produits phytosanitaires s’accordent plus ou moins sur les dommages collatéraux, sanitaires et environnementaux, induits par leur utilisation, les avis divergent sur les plans d’action à mettre en œuvre pour réduire leur usage. Les réactions qui ont suivi la présentation du rapport de la mission d’information commune sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques le mettent une nouvelle fois en lumière.

Avancer pas à pas…

Les 22 députés ayant travaillé sur la mission, membres de quatre commissions différentes et de sensibilisations politiques diverses, ont choisi de viser une réduction pragmatique de l’utilisation des phytos. Sur les 35 propositions émises, bon nombre viennent conforter des solutions déjà dévoilées dans d’autres rapports ou renforcer les efforts conduits : soutien aux alternatives (variétés résistantes, biocontrôle…), à l'agriculture de conservation, de précision et biologique, au déploiement de pratiques vertueuses… Certaines mesures avancées vont un peu plus loin, comme l’instauration d’une prime à la casse pour le remplacement du matériel de pulvérisation de plus de 25 ans.

« Peut-on […] exiger l’arrêt immédiat du recours à la chimie ?, s’interroge Élisabeth Toutut-Picard, présidente de la mission, dans sa contribution publiée en fin de rapport. Malgré l’urgence et la motivation à agir rapidement, force est de constater que ce type d’hypothèse « révolutionnaire » est difficilement réalisable. La couverture des besoins alimentaires doit en effet continuer à être assurée sans rupture d’approvisionnement ; par ailleurs notre modèle agricole est tellement dépendant des pesticides qu’il ne pourrait affronter un sevrage brutal qui mettrait en péril la survie économique des producteurs eux-mêmes ».

Ou déclencher une rupture ?

Côté FNSEA, le rapport est bien accueilli. Selon son secrétaire général adjoint, Éric Thirouin, il présente l’avantage de tendre à « trouver des solutions plutôt que des interdictions ».

En revanche, pour les acteurs plus écologistes, les propositions de la mission ne vont pas assez loin. La députée et ancienne ministre de l’Écologie Delphine Batho a même démissionné de la vice-présidence de la mission lors de l’examen du projet de rapport le 29 mars à l’Assemblée nationale, arguant ne pas pouvoir le cautionner. « Ce rapport n’est pas à la hauteur de la gravité de la crise sanitaire et de l’anéantissement de la biodiversité liés à la toxicité de ces produits, ni de l’urgence d’agir, ni du lien à opérer entre amélioration des revenus agricoles et sortie de la dépendance à la chimie, écrit-elle dans sa contribution. Il préconise dans l’ensemble la poursuite de politiques publiques en échec. La seule avancée notable est qu’il se prononce pour la création du fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques, conformément à la proposition de loi socialiste adoptée par le Sénat. Pour le reste, les préconisations s’avèrent en deçà des engagements du Président de la République, en particulier sur le glyphosate, et de la feuille de route gouvernementale sur les pesticides, elle-même insuffisante. »

Comme elle, de nombreuses ONG environnementalistes considèrent que suffisamment d’études scientifiques prouvent les effets nocifs des phytos et qu’il n’y a plus lieu de tergiverser. Pour Générations futures, le rapport « n’est pas à la hauteur des enjeux » ; « aucune vision systémique de ce que pourrait être l’agriculture demain n’est réellement construite ».

Position gouvernementale attendue

Reste à connaître la position qu’adoptera finalement le Gouvernement… L’avenir des produits phytos dépendra de la feuille de route dédiée, dont le canevas a été dévoilé fin janvier, et du projet de loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable ». Ce projet de loi doit encore passer, du 11 au 19 avril, devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, avant d’être étudié en séance plénière le 22 mai.