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Plan de relance et agroforesterie, « un tournant historique »

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Le Plan de relance prévoit une enveloppe de 50 millions d’euros pour soutenir les agriculteurs favorisant la biodiversité autour de leurs cultures et reconstituer les haies bocagères. L’objectif est de planter 7000 kilomètres de haies et gérer durablement 90 000 km de haies existantes. Ce programme est-il ambitieux ? Réponse avec Paule Pointereau, responsable stratégie et projet à l’Afac-Agroforesteries. 

Plan de relance et agroforesterie, « un tournant historique »
Plan de relance et agroforesterie, « un tournant historique »

Référence agro : Que pensez-vous de la partie agroforesterie du plan de relance ?

Paule Pointereau : On a beaucoup parlé de la plantation de 7000 kilomètres de haies et de la gestion durable des 90 000 km de haies existantes. Mais le plan comporte quatre volets, tous essentiels : accompagner la replantation des haies, instaurer une gestion durable, structurer une filière locale de productions d’arbres et d’arbustes, et structurer une filière de valorisation de la biomasse issue des haies. Les deux derniers points constituent un véritable changement de paradigme. Ils montrent que la haie est passée d’un enjeu environnemental à un enjeu économique. C’est un tournant historique. Aujourd’hui, nous avons perdu valeur économique des haies : la réhabiliter est la meilleure façon de les sauvegarder. Nous avons deux ans pour réaliser ces objectifs et permettre de les inscrire durablement dans les territoires et les exploitations agricoles pour éviter que ces annonces ne soient qu’un « one shot ».

R.A. : Comment réussir ces objectifs ?

P.P. : Nous devons nous appuyer sur les labels « végétal local » et « haie » pour une gestion durable des linéaires. La filière de production plants « Végétal local » permet de sauvegarder et de créer les pépinières locales, qui travaillent sur l’adaptation des génétiques, afin que les haies soient plus durables. La filière de production de biomasse issue des haies constitue une véritable opportunité de redonner une valeur économique pour l’agriculteur. Mais celle-ci doit être encadrée par le Label Haie pour offrir une garantie de repousse et une traçabilité de la ressource de la haie à la chaufferie. Ces deux labels sont un maillon qui permet de relier les acteurs (agriculteurs, collectivité, acteurs économiques divers d’un territoire) entre eux pour construire un nouveaux système économique territorial et durable fondé sur la haie.

La mise en oeuvre de la mesure haie du plan de relance doit s’appuyer sur le réseau de structures locales, fédérées au sein de l’Afac-Agroforesteries qui accompagnent les agriculteurs, dans la formation technique à la gestion et à la plantation des haies et dans une économie de territoires : les syndicats de bassin versant, parcs naturels régionaux, associations, chambres d’agriculture, fédérations de chasseurs, collectivités, SCIC, etc. Ces structures entrent dans la préservation des haies par différents sujets : l’eau, l’agriculture, la biodiversité, l’énergie, les territoires, etc.

R.A. : Est-ce que l’objectif de planter 7000 km de haies en deux ans vous semble ambitieux ?

P.P : Oui, c’est un challenge. Depuis le 19e siècle avec les épisodes du remembrement, 1,4 million de kilomètres de haies ont disparu. Si des efforts ont été réalisés, l’érosion n’est pas stoppée : nous perdons 11500 km de haies chaque année, un phénomène souvent lié à une mauvaise gestion. Nous plantons environ 2500 km de haies par an, avec une moyenne de 300 à 600 mètres linéaires par agriculteur. Donc, pour arriver aux 7000 km en question, il faudra mobiliser près de 23000 agriculteurs ! Un défi que les structures territoriales sont prêtes à relever. Mais le véritable challenge est surtout de mettre tout en place maintenant pour que dans vingt ans, ces haies soient maintenues en bon état et que celles en place aujourd’hui soient sauvées. La haie peut contribuer à relancer l’économie française des territoires ruraux. Le plan de relance offre un nouveau contexte, où elle peut devenir le support majeur d’un développement territorial fondé sur l’écologie agricole capable de créer de l’emploi et des filières diverses, où chacun a un rôle.

«  La haie est passée d’un enjeu environnemental à un enjeu économique »

Plan de relance et agroforesterie, « un tournant historique » - © D.R.
Plan de relance et agroforesterie, « un tournant historique » - © D.R.

Paule Pointereau

Responsable stratégie et projets à l’Afac-Agroforesterie