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« Plus vert, c'est plus cher » : Christiane Lambert, présidente de la FNSEA

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Référence environnement : Vous avez fait du revenu agricole un thème fort, lors de votre première conférence de presse en tant que présidente, en axant ce thème sur le « prix des produits ». Les démarches environnementales peuvent-elles être un élément de valeur et une manière de consolider les revenus ?

Christiane Lambert : Garantir un revenu reste pour nous essentiel. Cet enjeu touche tous les agriculteurs. Difficile de parler de projets environnementaux, d’investissements pour le bien-être animal quand le problème quotidien porte sur le juste prix des produits agricoles. Notre priorité est de donner plus de visibilité aux agriculteurs en mobilisant plusieurs leviers et en inscrivant l’agriculture dans une chaîne de valeur.

La contractualisation avec les transformateurs qui impose un engagement de prix constitue l’une des réponses. Elle doit s’inscrire dans une logique de co-construction des cahiers des charges. Les produits premium français doivent être mieux valorisés. Plus vert, c’est plus cher ! Avec une meilleure visibilité, nous pourrons répondre aux attentes sociétales qui montent en puissance comme l’arrêt à terme de l’élevage des poules pondeuses en cage. Pour modifier les pratiques, nous devons reconstituer nos marges. C’est le principe du cercle vertueux.

R.E. : Mettre l’accent sur des démarches telles que les Contrats de prestation de services environnementaux (CPSE) pourrait-il soutenir le revenu des agriculteurs ?

C.L. : Ces contrats nous tiennent à cœur. Nous les avons initiés en 2015. Les agriculteurs peuvent par ce biais proposer leur service dans le cadre de la compensation écologique. Nous souhaitons être des interlocuteurs privilégiés des collectivités et des opérateurs comme Réseau ferré de France, les syndicats des eaux, les acteurs du bâtiment et de la voirie afin de restaurer des mares, les zones d’habitats pour la faune et la flore, implanter des haies… Quatre zones, la Bretagne, l’Île-de-France, la Marne et les Ardennes sont déjà engagées. La biodiversité est reconnue comme un bien commun, les agriculteurs ne peuvent assumer seuls et, sur leurs seuls deniers, sa préservation. Sa valorisation mérite rétribution.

R.E. : Vous avez porté, dans vos précédentes fonctions, plusieurs actions à forte dimension environnementale. L’investissement de la FNSEA dans la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) ou dans la structuration de l’Agence nationale pour la biodiversité sont notables. Quelles suites donner ?

C.L. : Nous nous sommes déjà appropriés les questions de biodiversité en marge de notre participation à la longue élaboration de la loi biodiversité et dans la structuration de l’Agence nationale, dans laquelle l’agriculture dispose de deux sièges. Le rôle des agriculteurs dans la préservation de la biodiversité et l’entretien des paysages doit passer du statut de servitude à celui de contractualisation.

Alors que nous sommes dans une posture de co-construction avec la société civile, nous regrettons que notre programme d’actions ait été écarté par le comité de pilotage, majoritairement constitué d'ONG. Nous n’aurions pas assez fait notre mea culpa dans l’introduction. Nous avions pourtant proposé une douzaine d’engagements. Nous continuons avec des acteurs terrain comme les réseaux Arbres, Hommes et territoires, la Ligue de protection des oiseaux. Un grand chantier vient d’être initié avec les carriers pour convertir les sites non utilisés en terres agricoles.

R.E. : La FNSEA participe également à des initiatives comme Agrifaune. L’an passé, Xavier Beulin avait reconduit son engagement pour dix ans dans ce projet. Quelles expérimentations et initiatives de ce type pensez-vous appuyer ?

C.L. : Nous souhaitons poursuivre notre relation avec les chasseurs. Des nœuds de tensions sont à desserrer. Les agriculteurs ne veulent plus voir leurs cultures saccagées en raison de la prolifération du gros gibier et les chasseurs nous reprochent l’utilisation de produits phytosanitaires sur les surfaces cultivées reconnues en Surface d’intérêt écologique (SIE).

Le réseau Agrifaune expérimente des pratiques respectant la faune et des aménagements de parcelles. Nous obtenons de bons résultats. Nous devons mieux les promouvoir, en lien avec d’autres partenaires comme la LPO. La démonstration des bénéfices obtenus grâce aux pratiques innovantes est un moyen de mobiliser le plus grand nombre d’agriculteurs. Dans cet esprit nous sommes vigilants aux expérimentations qui nous font progresser.

À titre d’exemple, Éric Thirouin, céréalier membre de la commission environnement, et Jérôme Despey, viticulteur secrétaire général ont assisté en Alsace à un vol de drones sur les parcelles pentues de vignes. Équipés de pendillards, les engins approchent au plus près des rangs pour traiter. Une solution sécurisée pour les utilisateurs et les riverains en remplacement des traitements par hélicoptères, interdits.

R.E. : Envisagez-vous de développer davantage les liens et opportunité de débats entre agriculteurs et relais d’opinion ?

C.L. : J’ai beaucoup travaillé pour évoluer avec les ONG vers la co-construction. Je ne vais pas changer de position. D’ailleurs, des représentants m’ont félicitée pour ma nomination à la présidence du syndicat. Cela m’a fait chaud au cœur. Nous avons tissé des relations de confiance avec nombre d’entre elles. Beaucoup d’initiatives respectant l’environnement s’inscrivent à notre actif ; nous sommes légitimes pour nous exprimer, preuves à l’appui.

Le bureau de la FNSEA est organisé à l’image de l’implication des agriculteurs sur les questions environnementales : 21 % d’entre eux travaillent en partenariat avec les gestionnaires de Parc naturels, 74 % sont impliqués dans des actions environnementales et 7 % sont en bio. Henri Biès-Péré, qui va piloter le « pôle croissance durable et société » dont j’avais la charge, poursuit cette dynamique d’ouverture. Il préside la commission « territoires » et assure le lien avec les multiples acteurs locaux : agriculteurs, collectivités, associations. Son approche avec les entreprises, les écologistes et les économistes est décloisonnée.

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