Le 24 mars à 16h15, les députés procéderont au vote du projet de loi sur la biodiversité, après l’avoir examiné et amendé les 72 articles, du 16 au 19 mars en première lecture. Ils ont adopté de nombreux amendements dont certains d’importances agricoles, à l’instar de celui sur l’interdiction des néonicotinoïdes, bougeant les lignes du projet de loi. Certes, la course réglementaire est encore longue avant que la loi pilotée par Ségolène Royal ne soit adoptée. Elle devrait passer au Sénat avant l’été. Mais les cartes sont tombées et les questions soulevées pour les prochaines étapes législatives. Décryptage. L’agriculture a suscité de vifs débats à l’Assemblée. D’abord, sur le principe de complémentarité entre l’environnement et l’agriculture, reconnaissant les surfaces agricoles comme porteuses d’une biodiversité spécifique et variée, qui a finalement été maintenu. Malgré la volonté de certaines parties de réécrire ce passage du texte pour cibler uniquement les démarches de type agro-écologique.
- Les agriculteurs dans l’Agence de la biodiversité
Ségolène Royal a promis que les agriculteurs « auront deux des quatre places attribuées aux représentants des secteurs économiques », dans le Conseil d’administration de l’Agence française de la biodiversité, l’AFB. Elle a salué les initiatives des organisations agricoles. « Ils ont annoncé que, pour accompagner ce projet de loi et la création de l’Agence française pour la biodiversité, ils vont présenter un plan d’action avant la fin de cette année. Ils ont d’ailleurs mis en valeur leurs pratiques et souligné, par exemple, que 70 % des exploitants pratiquent au moins quatre cultures, que 21 % des exploitants entretiennent des ruches et que 31 % entretiennent un espace boisé. Vous voyez que la profession agricole est sensibilisée, y compris sur des questions aussi polémiques que celle des pesticides et des intrants chimiques », a-t-elle indiqué aux députés Concernant l’AFB, des points ont évolué. Un amendement (n° 970) précise qu’une des facettes du métier « appui technique et expertise » de l’Agence sera la lutte contre les espèces exotiques invasives. Cet ajout permettra aux collectivités locales de disposer d’une structure interlocutrice unique dans ce domaine, et à l’Agence de disposer d’une compétence transversale. Par ailleurs, l’amendement n° 1464 du gouvernement permet une auto-saisine du Conseil national de la biodiversité et du Conseil national de la protection de la nature, « ce qui nous évite de devoir énumérer tous les sujets sur lesquels ils pourraient être saisis », a expliqué Geneviève Gaillard, rapporteure du projet de loi. L’Assemblée a rejeté le principe d’action de groupe en matière d’environnement.
- Les Agences de l’eau, un rôle sur la biodiversité
Autre point qui suscite des réactions : les agences de l’eau se voient confier une mission en termes de préservation de la biodiversité terrestre et marine (après l’article 15). L’amendement n° 1476 prévoit que chaque agence pourra, outre sa contribution financière à l’Agence française de la biodiversité, « apporter des concours financiers aux actions qui contribuent à la gestion équilibrée du milieu marin et à la biodiversité, au-delà de ses interventions historiques contribuant à la gestion équilibrée de la ressource en eau et des milieux aquatiques ». Pour Ségolène Royal, « l’élargissement et l’approfondissement de l’engagement des agences de l’eau sur cette mission permettent aussi de ne pas augmenter excessivement le budget de l’Agence de la biodiversité ». La composition des Comités de bassin est modifiée avec un collège des usagers non professionnels (amendement n° 1206). « Cet amendement ne modifie pas l’équilibre général de représentation entre les collectivités territoriales, les usagers et l’État, mais organise une égalité entre les usagers professionnels et non professionnels. Celle-ci constituerait un progrès alors que la part des usagers non économiques représente moins de 30 % des usagers dans certains comités de bassin. »
- Valorisation des ressources génétiques
Le partage « juste et équitable » des bénéfices issus de l’exploitation des ressources génétiques naturelles a été évoqué dans l’article IV. Pour Ségolène Royal, « la France est en voie de se doter de la législation la plus avancée au monde sur la protection et la valorisation des ressources génétiques issues de la nature. Par ce vote, la France se donne les moyens d’innover sans piller ». A charge pour la future Agence française pour la biodiversité de prévenir toute biopiraterie. Avec les secteurs cosmétique et pharmaceutique, l’agroalimentaire est particulièrement concerné par cette lutte contre la biopiraterie. La ministre de l’Ecologie précise que des entreprises françaises ont déjà mis en place des systèmes de partage des avantages retirés de l’exploitation commerciale de ressources génétiques. Elle cite comme exemple la plantation de fleurs en agriculture biologique utilisées en cosmétique.
- Allègement des continuités écologiques
Les députés ont modifié la disposition sur l’espace de continuité écologique. Ils ont supprimé la création d’un outil mobilisable par les collectivités dans l’élaboration d’un PLU pour protéger la biodiversité et empêcher la destruction d’autres formations végétales que les milieux boisés. Ils l’ont remplacé par une adaptation du dispositif déjà existant, avec une simple identification des éléments du paysage. Le projet de loi prévoit désormais d’intégrer le sol dans les inventaires du patrimoine naturel.
- Compensation : zéro perte nette
La loi inscrit dans cette nouvelle version le principe de zéro perte nette de biodiversité « voire tendre vers un gain de biodiversité » dans les mesures de compensation (à l’article introduisant la séquence « Eviter, Réduire, Compenser »). Il ne met pas en place de mesures de contraintes ou d’interdictions.
http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/2064/AN/951.asp - Le frelon asiatique, un nuisible
Autre nouveauté : dans un délai de deux ans à compter de la publication de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité de classer le frelon asiatique (vespa velutina) dans la catégorie des organismes nuisibles, au sens du Code rural et de la pêche maritime (amendement n° 477).
- Les néonicotinïdes dans le viseur
Les députés ont voté l’interdiction de l’usage des néonicotinoïdes à compter du 1
er janvier 2016 sur le territoire. Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie et la rapporteure Geneviève Gaillard ont pourtant émis un avis défavorable à cet amendement, ne souhaitant pas une interdiction brutale et préférant des zones de non utilisation de ces substances. Pour les socialistes Gérard Bapt et Delphine Batho, qui ont déposé
l’amendement n° 754 (Rect), cinq molécules restent actuell
ement autorisées (imidaclopride, thiaclopride, clothianidine, thiaméthoxam et acétamipride) et présentent une toxicité aiguë, notamment pour les abeilles. Par ailleurs, les députés ont décidé de soutenir en priorité, dans le cadre des groupements d’intérêts écologique et économique, les projets territoriaux visant à la suppression des néonicotinoïdes. Voir également notre article : Loi sur la biodiversité : l’APCA, la FNSEA et Humanité et biodiversité réagissent