Protection des riverains et pesticides, le projet de loi est en consultation publique
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Les ministères de la Santé, de l’Agriculture et de la Transition écologique ont lancé le 9 septembre, pour une période de trois semaines, la consultation publique portant sur l’arrêté et le décret encadrant « un nouveau dispositif de protection des riverains vis-à-vis de l’utilisation des produits phytosanitaires ». Le projet reprend en grande partie les éléments présentés aux professionnels le 27 juin et découle de la loi Égalim.
Les chartes d’engagement précisées par décret
D’une part, le décret précise le cadre général de la mise en place des chartes d’engagement à l’échelle du département. Elles doivent inclure, a minima, les modalités d’informations et de dialogue des résidents et les distances de sécurité. Elles peuvent également comprendre les techniques de réduction de la dérive, l’information sur les dates et horaires de traitement adaptés ou encore les modalités d’application des distances de sécurité.
Le texte précise que ces chartes sont à l’initiative des représentants des utilisateurs de phytosanitaires, et sont élaborées par les organisations syndicales ou la Chambre d’agriculture. Ces structures doivent soumettre le projet aux riverains et aux associations. La concertation sera annoncée par un avis publié dans le journal local et ne peut être inférieure à un mois.
Le contenu des chartes ainsi que les résultats de la concertation sont validés par le préfet dans un délai de deux mois. Le décret entre en application le 1er janvier 2020 : les organisations auront alors trois mois pour formaliser les chartes.
ZNT de trois à dix mètres
D’autre part, le projet d’arrêté, qui modifie le texte du 4 mai 2017, entre dans le concret des mesures. Les distances minimales à respecter entre les zones d’épandage et les zones d’habitation sont fixées. Elles sont établies à dix mètres minimum pour « les substances les plus dangereuses » (H300, H304, H310, H330, H331, H334, H340, H350, H350i, H360, H360F, H360D, H360FD, H360Fd, H360Df, H370, H372) ou contenant une substance active considérée comme un perturbateur endocrinien. Cette distance ne peut être réduite.
Dix mètres également pour les cultures hautes (arboriculture, viticulture, arbres et arbustes, forêt, petits fruits et cultures ornementales) et au moins cinq mètres pour les cultures basses et les usages non agricoles sont requis. Le gouvernement précise s’être appuyé sur des préconisations scientifiques et indépendantes formulées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Les produits de biocontrôle sont exclus de ce dispositif.
Ces zones non traitées (ZNT) peuvent être réduites, dans le cadre des chartes d’engagement, à trois mètres pour les cultures basses et la viticulture et à cinq mètres pour les autres cultures, si l’exploitant a recours « des matériels de pulvérisation performants sur le plan environnemental ». Le projet cite pour les cultures basses, les buses anti-dérive (distance de 3 m). Pour la viticulture : le dispositif face par face (5 m) et les panneaux récupérateurs (3 mètres). En arboriculture : la ventilation tangentielle (5 m). Les opérateurs peuvent également inscrire auprès de la DGAL tout autre moyen ou combinaison de moyen permettant de maîtriser le risque d’exposition des résidents. L’Irstea sera en charge d’expertiser le dossier.
Les ministères précisent : « le projet d’arrêté prévoit que ces distances puissent le cas échéant être adaptées à l’avenir, après expertise de l’Anses et au regard des nouvelles données scientifiques et des techniques d’application des produits. »
Après cette phase de consultation, le décret et l’arrêté définitifs entreront en vigueur le 1er janvier 2020. Ils sont soumis à la consultation de la Commission européenne.
Des réactions immédiates et un débat loin d’être tranché
Les réactions ne se sont d’ailleurs pas fait attendre. Dès samedi, France nature environnement (FNE) se positionnait contre les distances proposées par le gouvernement. Dans un communiqué du 9 septembre, Générations futures dénonce les carences de l’évaluation de l’Anses et annonce qu’elle « proposera des modifications de l’arrêté et du décret encadrant les chartes ».
Les agriculteurs ne se montrent pas plus satisfaits. « La vraie question est la technique d’application des traitements réalisés dans de bonnes conditions, ce n’est pas la zone de non traitement », insiste Christian Durlin, agriculteur et administrateur à la FNSEA. Certains exploitants calculent déjà la surface « perdue » avec ces 5 à 10 mètres de cultures sans traitement, et l’impact économique qui va avec.
Les trois semaines de consultation publique - et celles qui suivront - s’annoncent d’ores et déjà chargées médiatiquement…
S.Ay. et E.P.