Réduction des pesticides, FNH appelle à réorienter les financements publics et privés
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Selon le Think Tank de la Fondation Nicolas Hulot, seul 1 % des financements publics serait réellement efficace pour aider l’agriculture à moins utiliser les pesticides en France. La Fondation propose, dans un rapport publié le 9 février 2021, une feuille de route sur dix ans pour mettre fin à la discordance entre les objectifs assignés au monde agricole et les moyens donnés pour y répondre.
“Depuis le Grenelle de l’environnement, l’objectif de la France est de réduire l’utilisation des pesticides de 50 %, et nous faisons face à un réel échec”, souligne Amandine Lebreton, directrice du plaidoyer et de la prospective à la Fondation Nicolas Hulot (FNH), lors d’une conférence de presse tenue le 8 février 2021. Pour tenter de comprendre ce manque de résultat, le Think Tank de la Fondation s’est penché durant un an, avec le Basic, le Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne, sur les financements publics et privés perçus par les acteurs agricoles et alimentaires au cours des dix dernières années. “Les financements publics, qui représentent 70 % du résultat des exploitations agricoles, constituent un véritable levier”, reprend Amandine Lebreton.
Le travail mené a donné lieu à un rapport et a conduit à la conclusion que depuis 2008, la France a donné au monde agricole de grands objectifs à atteindre, sans lui en donner les moyens. “Les objectifs ne peuvent pas être atteints sans politique cohérente, souligne Nicolas Hulot. La question n’est pas d’obtenir des financements supplémentaires, mais de réorienter les financements actuels.”
Des financements actuels peu efficaces
“Notre travail a conduit à quatre principaux résultats, informe Christophe Alliot, co-fondateur du Basic. Le premier est que l’augmentation des pesticides est la conséquence d’une frange minoritaire d’agriculteurs qui en utilise toujours plus. Le deuxième, que les financements publics sont quasi inexistants pour réduire l’usage des pesticides. Le troisième, que la fiscalité va à contre-courant du plan Écophyto. Et enfin, que les financements privés maintiennent le statu quo.” Selon l’ étude du Basic , 84 % de l’utilisation des pesticides est liée aux grandes cultures (70 %) et à la vigne (14 %). Le groupe d’exploitations les plus utilisatrices ne représente que 9 % de l’ensemble des exploitations, mais sa consommation a augmenté de 55 % en dix ans. 57 % des exploitations, dont l’utilisation des pesticides est moyenne, pourraient changer de modèles si elles étaient vraiment accompagnées.
Sur les 23,2 milliards d’euros de financements publics versés annuellement, provenant pour 40 % de l’Europe et pour 60 % de la France, seulement 11 % ont une intention vis-à-vis de la réduction des pesticides et moins de 1 % ont des effets avérés. Les financements privés, de 19,5 milliards d’euros annuels, de leur côté, n’améliorent pas la situation : les exploitations intensives en pesticides empruntent 60 % plus que les moins intensives, et 85 % des emprunts bancaires par les industries agroalimentaires sont majoritairement contractés par les grandes et moyennes entreprises, lesquelles élaborent leur chiffre d’affaires principalement avec des produits issus de matières agricoles “conventionnelles”.
Mobiliser la Pac
“Nous proposons une feuille de route avec deux outils prioritaires, la Pac et la fiscalité”, précise Caroline Faraldo. Pour la responsable Agriculture et Alimentation à FNH, cette année peut être clé. “Nous avons six mois pour rendre notre déclinaison française de la réforme de la Pac”, précise-t-elle, en soulignant qu’aujourd’hui, seuls 2 % des budgets de la Pac sont dédiés à la réduction des pesticides. FNH souhaite entre autres cinq fois plus de moyens pour rémunérer les systèmes de production en agriculture biologique et pour accompagner les conversions, et que 40 % du premier pilier soient dédiés à des paiements aux agriculteurs pour les services environnementaux qu’ils fournissent. Elle plaide également pour un financement de 63 millions d’euros annuels visant la mise en place de 1 254 projets alimentaires territoriaux écologiques et solidaires. Enfin, la Fondation, qui pense que le renouvellement des générations est une clé pour atteindre les objectifs écologiques, aimerait voir transformée la dotation jeunes agriculteurs en une dotation avec une aide largement bonifiée pour les installations en agroécologie sans critères d’âge.
Mise en place d’une fiscalité bonus-malus
“Nous devons également responsabiliser tous les acteurs de la chaîne agricole et alimentaire”, reprend Caroline Faraldo. Pour ce faire, FNH propose une fiscalité bonus-malus basée sur le principe pollueur-payeur. Un malus aux utilisateurs, distributeurs et producteurs de pesticides, aux acteurs de la transformation et de la grande distribution. Un bonus pour accompagner les agriculteurs, les groupes d’agriculteurs et les acteurs clés de la transformation des systèmes agricoles et alimentaires.