Réduction des phytos : les voies de progrès existent mais pas de miracle dans les 3 ans
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Auditionnés par la Commission du territoire et du développement du Sénat avant l’examen du projet de loi Égalim, cinq experts dont Philippe Mauguin, P.d-g. de l’Inra, ont témoigné, le 6 juin au Sénat, des actions de recherche et du déploiement des bonnes pratiques pour réduire les usages des phytosanitaires. Avec un dénominateur commun : le temps nécessaire pour l’expérimentation et le besoin de renforcer l’accompagnement des agriculteurs.
Points de consensus entre les cinq experts (1) auditionnés par la Commission du territoire et du développement du Sénat : si le débat est vif, les voies de progrès sont identifiées mais demandent du temps. Avec un avertissement de Philippe Mauguin, P.d-g. de l’Inra face à l’empressement sociétal : « Il n’y a pas de miracle qui s’appliquera à toute l’agriculture française dans les trois ans… Il y a des alternatives, qu’il faut encore apprendre à combiner, reste à savoir comment et à quel prix ? » La Commission du territoire et du développement du Sénat, présidée par Hervé Maurey, a été saisie pour avis sur le volet pesticides dans le cadre du projet de loi Egalim. Le texte est examiné au Sénat à compter du 12 juin. Lors des entretiens, plusieurs points ont été mis en avant : la recherche fondamentale fléchée vers les solutions alternatives aux pesticides ; les travaux sur les impacts mobilisant l’Inra, l’Anses ainsi que l’Inserm ; le fonctionnement de l’Anses ; les agriculteurs engagés dans la réduction des usages depuis le lancement du premier plan Ecophyto ; le partage d’expertise mais aussi le besoin d’accompagnement.
Comment passer de 3000 à 30 000 fermes Déphy ?
Les fermes Dephy ont d’ailleurs été largement citées en exemple avec, pour elles, un recul de 30 % des utilisations de phytosanitaires sans baisse de performance. Mais comment diffuser les bonnes pratiques inventées par les 3000 agriculteurs des fermes Dephy vers les 30 000 agriculteurs qui vont devoir les mettre en œuvre ? L’échange entre pairs ressort fondamental ainsi que la cohésion des filières. Didier Marteau des Chambres d’agriculture a confirmé que le monde agricole est impliqué mais demande des moyens humains pour accompagner ces changements, y compris pour assurer le contrôle du matériel de pulvérisation par exemple. Estimant aussi le nécessaire renforcement de la formation dans les lycées agricoles. Philippe Mauguin, a livré des perspectives optimistes mais engageant des mutations : « Pour aller au-delà des 30 % et atteindre les 50 % de réduction, il faudra une reconception des modèles agricoles ». Les leviers reposent sur une combinaison de solutions : l’agronomie, le biocontrôle, la génétique, la façon de couvrir les sols.
Favoriser la coopération internationale en recherche
Les voies de progrès se trouvent aussi via les alliances avec d’autres organismes de recherche. Le P.d-g. de l’Inra a annoncé un partenariat dès cet automne avec la Chine pour travailler sur des associations de variétés de riz pour ne plus recourir aux traitements. Cet accord permettra à l’Inra d’expérimenter les associations de céréales. L’Institut agronomique noue actuellement un partenariat avec la recherche allemande pour imaginer des systèmes de cultures sans pesticides, modèles qui pourraient être proposés au niveau européen.
Enfin, si la réduction des usages a été actée, dans les jeux des questions et remarques, le « comment ? » prédomine. Le sénateur Pierre Médevielle et rapporteur de l’avis, a toutefois tenu a souligner le besoin de garder une pharmacopée disponible, une voie de progrès qu’il a qualifiée de plus pertinente que celle du zéro phyto. Olivier Jacquin, sénateur de Meurthe-et-Moselle et agriculteur, a ajouté : « On peut supporter toutes les réglementations à condition qu’il n’y ait pas de distorsion de concurrence ».
(1) Philippe Mauguin Président directeur général de l’Inra, Roger Genet directeur général de l’Anses, Karine Brulé, sous directrice de la gestion de la protection de l’eau, ministère de la Transition écologique, Patrick Dehaumont directeur de la DGAL et Didier Marteau des Chambres d’agricultures.