Roundup Pro 360 interdit par la justice malgré l’expertise scientifique de l’Anses
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La rôle de la justice ? Veiller au respect des lois… Depuis peu, elle fait aussi de l’évaluation et de l’arbitrage scientifique. La distribution et l’utilisation du Roundup Pro 360 sont interdites depuis le 15 janvier 2019, date à laquelle le tribunal administratif de Lyon a annulé l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de cet herbicide à base de glyphosate, produit de revente du Typhon. Cette annulation fait suite à un recours, datant du 27 avril 2017, du Criigen, le Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique, représenté par sa présidente d’Honneur, l’avocate Corinne Lepage.
Une décision lourde de conséquences…
Pour rendre sa décision, le tribunal s’est fondé sur le principe de précaution défini par l’article 5 de la Charte de l’environnement. Il a pris en compte le fait que le Circ, le Centre international de recherche sur le cancer, a classé le glyphosate comme cancérogène probable, que la substance est suspectée d’être toxique pour la reproduction humaine et que le composé d’ammonium quaternaire, présent dans le Roundup Pro 360, a une toxicité chronique aquatique. Le tribunal conclut que malgré les précautions d’emploi fixées par l’Anses, l’AMM n’aurait pas dû être donnée : « L’Anses a commis une erreur d’appréciation au regard du principe de précaution défini par l’article 5 de la Charte de l’environnement. »
Cet article, pourtant, précise que « par application du principe de précaution », des procédures d’évaluation des risques doivent être mises en œuvre. Or, pour donner l’AMM du Roundup Pro 360, l’Anses a justement, comme pour toute autre spécialité, procédé à cette évaluation des risques, essence même de son existence, sa mission. L’Agence a pour cela suivi scrupuleusement une réglementation relative aux produits phytosanitaires qui est elle-même fondée sur cette pierre angulaire qu’est l’évaluation des risques… pour répondre au principe de précaution.
Cette décision remet en cause de nombreuses AMM. Des suites sont à attendre. Déjà, dans sa communication, le Criigen précise que « les arguments du tribunal devraient sans aucun doute s’appliquer à tous les herbicides à base de glyphosate mis sur le marché et l’association prendra les initiatives nécessaires auprès des autorités pour les faire interdire au plus vite ». Des associations environnementalistes et politiques appellent à la suspension, voire l’annulation de l’AMM de tous les produits à base de glyphosate.
…contestée par l’Anses et Bayer
Dans une note datée du 17 janvier, l’Anses, qui avait donné l’AMM le 6 mars 2017, « conteste toute erreur d’appréciation dans l’application de la réglementation nationale et européenne ». L’Agence rappelle que « dès 2016, elle a été la première autorité nationale à retirer les autorisations de mise sur le marché de 126 produits à base de glyphosate contenant un coformulant potentiellement génotoxique ». Elle « réévalue actuellement l’ensemble des produits à base de glyphosate commercialisés en France et est pleinement engagée dans l’évaluation des alternatives à l’usage du glyphosate, conformément aux engagements du gouvernement ».
La FNSEA et Jeunes agriculteurs, de leur côté, appellent « d’urgence à une prise de conscience des décideurs politiques et à la mise en œuvre nécessaire d’un encadrement du principe de précaution ». Les syndicats rappellent que la notion de danger « peut s’appliquer à bon nombre de produits de notre quotidien mais que c’est l’utilisation que l’on en fait qui permet d’évaluer le risque auquel on est confronté ». Ils craignent « que le principe de précaution ne devienne, au fil du temps, un principe d’inaction dès lors qu’un danger hypothétique est soulevé », ce qui viendrait bloquer la recherche et l’innovation.
Le groupe Bayer, détenteur du produit depuis le rachat de Monsanto, se dit quant à lui surpris de la décision du tribunal, le produit ayant fait l’objet, comme tous les produits phytosanitaires, d’une évaluation stricte de la part de l’Anses. Il étudie la décision pour évaluer la suite juridique à donner à ce dossier.