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Sécheresse, « les régions du Nord ont négligé les aménagements hydrauliques », André Bernard, référent eau à l’APCA

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André Bernard, référent sur l’eau pour les chambres d’agriculture et président de la Chambre d’agriculture de la région Paca, était le seul représentant de la profession agricole lors de la réunion de la commission de suivi hydrologique du Comité national de l’eau, le 14 mai, au ministère de la Transition écologique. Face à l’évolution du climat et aux risques de sécheresse, il estime que les régions françaises doivent prendre exemple sur la Provence en matière d’aménagements hydrauliques.

Référence environnement : Pourquoi la Provence est-elle pour vous un exemple en matière de gestion de l’eau ?

André Bernard : Avec notre climat méditerranéen, les aménagements hydrauliques ont démarré au temps des Romains, puis des Papes au XIXe siècle. La sécurisation de l’ensemble remonte aux années 50 avec les barrages de Serre-Ponçon et du Verdon. L’objectif : stocker l’eau, l’acheminer vers les zones qui en ont besoin et permettre par exemple aux agriculteurs d’irriguer. Nous employons également les techniques de recharge artificielle des nappes, notamment à partir de la Durance, qui alimente la plaine de la Crau. Sans cela, cette dernière ne pourrait pas être cultivée et l’eau potable serait elle-même déficitaire pour les habitants.

Du coup, je ne suis pas inquiet pour cet été, car nous avons suffisamment de stockage qui nous met à l’abri de la pénurie d’eau sur les territoires ainsi sécurisés. Le climat méditerranéen tend à s’étendre à toute la France. Actuellement, les régions du Centre et du Nord-Est de la France sont les plus préoccupantes, avec des niveaux de nappes phréatiques très bas. Or, ces zones ont négligé la gestion hydraulique : elles doivent augmenter leur capacité de stockage pour les années à venir.

R.E. : Existe-t-il d’autres projets hydrauliques en Provence ?

A.B. : Comme je l’ai dit, ces aménagements datent des années 50. Or, la population a augmenté et les sols sont de plus en plus artificialisés. Nous devons préparer l’avenir et les problèmes éventuels d’approvisionnement en eau. C’est pourquoi nous militons pour utiliser de l’eau du Rhône. Avec la fonte des neiges, le fleuve dispose d’un pic au printemps et début d’été, quand les agriculteurs en ont besoin. De plus, les demandes en irrigation sur l’année équivalent à une journée de débit du Rhône, qui s’élève à 1500 m3 par seconde, pour l’ensemble du bassin. En contrepartie, nous assurons que nous utiliserons des systèmes d’irrigation économes. Par exemple, sur mon exploitation maraichère, je suis passé en trente ans d’un prélèvement de 20 à 30 000 m3 d’eau avec les systèmes gravitaires, à 2 000 m3 par an grâce au goutte à goutte avec pilotage optimisé.

R.E. : Les agriculteurs doivent aussi faire évoluer leurs pratiques…

A.B. : Oui, notamment avec les techniques d’irrigation plus économes que je viens de citer. Mais également au niveau des cultures, pour retenir l’eau dans les parcelles : implanter le plus longtemps possible des couverts végétaux sur les sols, remettre des haies et des talus, etc. La lutte contre l’imperméabilisation des sols, qui s’est fortement accentuée, doit être une priorité. Nous devons retrouver les capacités d’infiltration des sols.