Séparation conseil/vente des pesticides : le texte se précise et ne satisfait personne
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Le 14 novembre, lors de la troisième réunion de concertation sur l’ordonnance de mise en œuvre de la séparation du conseil et de la vente des produits phytopharmaceutiques, les différents partenaires ont découvert une nouvelle proposition de texte. Une version qui réserve le conseil spécifique à l’utilisation des produits aux seules structures de conseil indépendantes. Ces dernières auraient donc dans leur besace non seulement le conseil annuel mais également le conseil du quotidien, au fil de la campagne.
Les distributeurs agricoles inquiets
Cette décision effraie la Fédération du négoce agricole (FNA). Dans un communiqué rédigé à l’issue de cette réunion, son président, Antoine Pissier, évoque de lourdes conséquences pour le monde agricole, à la fois économiques et sociales : suppression de plusieurs milliers d’emplois dans les entreprises rurales de distribution agricole, destruction des démarches de filières avec l’interdiction implicite de l’accompagnement des itinéraires culturaux par les organismes de collecte, et coup d’arrêt porté au déploiement des solutions alternatives (biocontrôle par exemple) et donc du dispositif des CEPP.
Même surprise du côté de Coop de France, qui souligne : « Ce parti-pris interroge sur la cohérence de la politique souhaitée par le Gouvernement. Il conduit immanquablement à une destruction de l’organisation actuelle du conseil aux agriculteurs, sans prévoir de dispositifs de remplacement avec, à la clé, des conséquences lourdes en termes d’emplois sur les territoires. » Coop de France appelle « à la reprise d’une réelle concertation. »
Contre-productif pour les chambres d’agriculture
Quid des chambres d’agriculture qui sont pressenties pour être au coeur du dispositif ? Contacté par Référence environnement, Claude Cochonneau, président de l'Assemblée permanente des chambres d’agriculture, se dit également insatisfait du projet. Il évoque un texte « surréaliste, qui va trop loin. » En cause, d’une part, le conseil annuel que les chambres jugent trop lourd. Elles plaident pour la mise en place d’une visite pluriannuelle, par exemple tous les trois ans.
« À vouloir laver trop blanc, on finit par être contre-productif », estime le président de l’APCA. Sur le conseil au quotidien, les chambres estiment n’avoir, pour l’heure pas les ressources nécessaires. « Nous ne pouvons pas mettre autant d’équipes sur le terrain du jour au lendemain, poursuit Claude Cochonneau. Ce texte a été pensé par des personnes qui connaissent peu de choses à la mise en œuvre de la protection phytosanitaire auprès des agriculteurs. »
FNA et Coop de France regrettent de ne pas avoir eu les résultats de l'étude d’impact réalisée à l’initiative du Gouvernement. Une étude qui, précisément, devait chiffrer l’impact de cette séparation, notamment en termes d’emplois.
La Coordination Rurale, dans un communiqué du 15 novembre, estime quant à elle que « comme d’autres avant elle, cette réforme n’aura malheureusement, aucun effet sur la consommation de phytos. Comment peut-on envisager sérieusement une baisse de la consommation devant l’optimisation déjà réalisée et quand on sait qu’il n’y a pas ou peu d’alternatives sérieuses ? »
Anne Gilet et Stéphanie Ayrault