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Stéphane Le Foll attaque frontalement les coopératives

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Le congrès 2016 d'Orama, qui s'est tenu à Reims, les 27 et 28 janvier, aura été particulièrement tendu. Le ministre s'est exprimé : la tribune et la salle également. Montrées du doigt : les coopératives. Michel Prugue, le nouveau président de Coop de France, a réagi vigoureusement.

L'exercice n'est pas nouveau pour le ministre de l'Agriculture, qui n'a, jusqu'à présent pas manqué un seul congrès d'Orama. Les huées, il y est habitué ! Les agriculteurs ayant l'occasion de faire valoir en direct leur ras le bol face, notamment, au poids de la réglementation. Lors de son discours, Stéphane le Foll a, sur deux sujets liés à Ecophyto, fait preuve d'une méconnaissance des dossiers qui ne lui est pas coutumière. La première fois en indiquant que les agriculteurs auraient tout à gagner à diminuer leurs charges opérationnelles. En prenant pour exemple, la part que représentent les phytos (164 euros sur 450 euros/ha de charges) dans la région Centre - Ile de France. La deuxième, à propos des Certificats d'économie phytosanitaires, en lançant aux agriculteurs, « si vous êtes du côté des coopératives, vous avez plutôt intérêt à vendre des produits. » Michel Prugue, présent pour la première fois comme président de Coop de France, a dénoncé le caractère insultant de cette assertion. « Il n'est pas normal qu'un ministre nous ait traités ainsi » s'est également insurgé Xavier Beulin, ajoutant que l'ensemble des partenaires de l'agrochimie et de l'agrofourniture partageait ce point de vue.

Philippe Pinta a, au nom d'Orama, proposé de remettre à plat Ecophyto : l'objectif d'une réduction des phytos de 50 % étant intenable. Il propose que les discussions soient menées au sein de FranceAgriMer.


Du côté des dossiers qui avancent

Le ministre de l'Agriculture n'était toutefois pas venu sans proposition. Sur les CEPP, il a reconnu que les indicateurs faisaient débat et s'est dit « prêt à prendre des propositions sur les indicateurs composites ». Il a rappelé qu'il ne s'agissait ni d'une sanction, ni d'une mesure fiscale… en tout cas pas avant cinq ans et si la barre des - 20 % de ventes des phytos n'était pas franchie. Sur les néonicotinoïdes, « c'est trop facile de demander l'interdiction tant qu'il n'y a pas de solution alternative » a clairement indiqué Stéphane Le Foll. Il s'est dit également prêt, sur le dossier des nouvelles technologies de sélection, à ne pas les associer à la réglementation actuelle sur les OGM et à s'appuyer sur la présidence néerlandaise de l'Union européenne qui a fait de ce dossier sa priorité. Un point qui ne peut que rassurer les semenciers. Il a également assuré les producteurs de sa volonté de poursuivre dans le sens d'une réduction des distorsions de concurrence européennes environnementales et sociales.


Au-delà de la confrontation sur la question de la réduction de l'usage des phytosanitaires, le ministre n'a pas suscité que des huées. Il a même recueilli quelques timides applaudissements lorsqu'il a souligné que « ceux qui faisaient le procès des biocarburants en les accusant de faire augmenter les prix avaient tord ». Il a rappelé que l'enveloppe dédiée au plan protéine n'était que partiellement utilisée, 146 M€ sur les 160 M€ alloués et proposé un transfert du solde vers les cultures céréalières.

Les dossiers réglementaires sont restés au cœur de l'échange avec les producteurs de grandes cultures. La conjugaison avec une situation économique autrement dramatique sur le secteur élevage risque fort de se traduire, dans les semaines à venir, par une montée de la colère. Elle sera autrement plus difficile à maîtriser que celle des céréaliers. Et il est probable que c'est le successeur de Stéphane Le Foll qui aura à mener à bien la sortie de cette nouvelle crise, son départ du ministère de l'Agriculture semblant de plus en plus probable.