Stratégie bas carbone. L’Autorité environnementale alerte sur les conséquences de la mobilisation de la biomasse
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L’Autorité environnementale, AE, a rendu son avis le 6 mars 2019 sur le projet de révision de la Stratégie nationale bas carbone, SNBC 2019-2023, suite à une demande du ministère de la Transition écologique. Les objectifs de la SNBC sont ambitieux : atteindre la neutralité carbone en 2050 et réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % en 2030 par rapport à 1990.
Agriculture : définir des objectifs par solution
L’agriculture est appelée à contribuer à ce challenge. Si la SNBC part du constat qu’elle émet de façon inévitable des gaz à effet de serre, protoxyde d’azote et méthane en tête, elle fixe l’objectif de réduire de 20 % les émissions du secteur pour 2030 et 46 % d’ici à 2050. L’agroécologie, l’agriculture de précision, la relocalisation des productions en France sont les principaux leviers préconisés. Or, pour l’AE, la SNBC doit définir des objectifs par type de solution et non pas uniquement à un niveau global. Elle demande également d’introduire une orientation en faveur de la mobilisation de la politique agricole commune.
Analyser les conséquences de la mobilisation de la biomasse
L’AE appelle par ailleurs à la vigilance sur la mobilisation de la biomasse voulue par la SNBC pour atteindre la neutralité carbone. En effet, la SNBC confie à l’agriculture un rôle important dans la substitution des ressources fossiles grâce à la fabrication de matériaux biosourcés. Par ailleurs, le mix énergétique du scénario 2050 de la SNBC implique 400 à 450 TWh de biomasse, 600 à 650 TWh d’électricité décarbonée et 90 à 100 TWh de chaleur. Des perspectives qui dépassent la ressource, selon l’AE.
« Ce mix implique une production de biomasse supérieure à la ressource actuellement envisageable au vu des capacités de production forestière et de la surface agricole qu’il serait nécessaire de mobiliser », alerte l’AE. Qui ajoute : la SNBC « ne propose pas de calculs des surfaces nécessaires, ni d’évaluation des besoins en eau, des apports et fuites d’intrants agricoles et du déficit en stockage du carbone dans les sols induits par ce besoin de biomasse ». La disponibilité en terre n’est pas évaluée, tout comme la compatibilité de l’objectif avec les besoins pour la production alimentaire. L’AE recommande d’étudier les besoins en surface cultivée, les impacts sur la biodiversité, le stockage du carbone dans les sols, la quantité et la qualité de l’eau et la concurrence avec les productions alimentaires.
En 2050, un stockage net de carbone par les sols
Selon le scénario 2050 de la SNBC, l’agriculture sera le principal secteur émetteur de GES, même si son impact sera diminué, passant à 47 Mt eq CO2/an contre 89 en 2015. Les modifications des pratiques seront importantes : diminution du cheptel bovin, augmentation de 84 % des cultures pièges à nitrates et de 60 % des cultures intermédiaires à vocation énergétique, Cives. Le scénario a analysé les évolutions concernant le stockage de carbone des sols. Les résultats sont positifs. D’une perte de 17 Mt eq CO2/an en 2015, les prévisions tablent sur un stockage net de 13 Mt eq CO2 /an en 2050.
Le rapport note également que la France est un des pays développés les plus sobres en émissions de carbone. Ses émissions sont en 2016 de 429 millions de tonnes, soit 6,3 t par habitant. Une baisse de 29 % par rapport à 1990.