Stratégie bas carbone : « Le modèle agricole au cœur de la SNBC », Éric Vindimian, de l’Autorité environnementale
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Référence environnement : Pourquoi l’agriculture suscite-t-elle les plus fortes interrogations de l’Autorité environnementale dans son avis sur la Stratégie nationale bas carbone, SNBC ?
Éric Vindimian : Son rôle n’est pas clair. Dans un premier temps, la SNBC estime que l'agriculture sera le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre en 2050, mais qu’elle réussira à réduire considérablement ses émissions grâce au projet agroécologique. Une vision qui nous convient. Dans un second temps, la SNBC demande à l’agriculture de réduire les émissions de GES des autres secteurs, notamment des transports avec le développement des biocarburants, pour réduire le recours à l’énergie fossile. Un rôle que l’évaluation environnementale de la SNBC ne prend pas en compte !
Or, des questions se posent sur la capacité de la France à produire ces agrocarburants : sur la concurrence avec l’alimentation, sur les conséquences sur le stockage du carbone dans les sols, sur les pesticides et les nitrates nécessaires pour cultiver ces plantes… La disponibilité de la ressource en bois pour les chaufferies biomasse nous laissent également perplexes. Les objectifs de la SNBC ne sont pas en phase avec le plan national forêt-bois : il faudrait une augmentation de 31 Mm3 de l’objectif de prélèvement à l’horizon 2050 quand le plan national forêt bois prévoit seulement 12 Mm3.
R.E. : La prochaine SNBC fixe pour l’agriculture l’objectif de réduire de 46 % ses émissions de GES pour 2050. Or, elle dépasse déjà de 10 Mt de CO2 les objectifs de la première SNBC… Arrivera-t-on à cette ambition ?
É.V. : L’agriculture n’est pas le seul secteur qui n’atteint pas les objectifs de la première SNBC. Mais nous devons rester optimiste, sinon, nous ne bougerons pas les lignes. De nombreux progrès restent à construire pour changer le modèle agricole, des innovations sont à venir. Nous ne sommes pas au bout du système et je fais confiance à la recherche agronomique mondiale qui est très organisée. L’agriculture de demain fournira plusieurs services : des produits de qualité, de l’énergie, de l’entretien des espaces naturels. Il faudra bien sûr trouver les moyens de la rémunérer pour cela.
Tous les efforts ne doivent pas venir du seul secteur agricole. Le consommateur a aussi un rôle majeur en changeant son alimentation et par exemple en mangeant moins de viande.
R.E. : Quand la deuxième SNBC entrera-t-elle en application ?
É.V. : Elle aurait déjà dû être adoptée, donc elle le sera désormais le plus tôt possible… La Programmation pluriannuelle de l’énergie, PPE, est une mise en application de la SNBC sur l’énergie. Nous allons rendre un avis dans quelques semaines. Par ailleurs, le Haut conseil pour le climat doit également publier un avis sur la SNBC, lorsqu’il sera officiellement nommé. Leur analyse devrait être complémentaire de la nôtre. Le gouvernement voudra peut-être revoir sa copie, mais je ne sais pas à quelle profondeur.
R.E. Quelle est sa portée juridique ?
É.V. : Elle impose surtout à la PPE d’être « compatible ». Mais ce terme est moins fort que la « conformité ». Plusieurs autres plans doivent « prendre en compte » la SNBC, sans que les objectifs soient très précis. Une de nos recommandations est d’ailleurs d’intégrer les objectifs de la SNBC dans les autres plans du gouvernement et territoriaux.