« Une large partie de la biodiversité en milieu rural dépend des pratiques agricoles », Philippe Dupont, OFB
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Apporter son expertise, sensibiliser le public ou être un appui aux politiques publics, voilà les missions du jeune Office français de la biodiversité (OFB), entré en service il y a moins de trois mois. Les questions agricoles font aussi partie du périmètre de la structure. Explications avec Philippe Dupont, directeur de la recherche et de l’appui scientifique à l’OFB.
Né de la fusion de l’Agence française de la biodiversité (AFB) et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), l’Office français de la boidiversité (OFB) est entré en activité le 1er janvier 2020. Philippe Dupont, directeur de la recherche et de l’appui scientifique à l’OFB, revient sur la feuille de route de la structure concernant l’agriculture, et insiste sur la position de concertation et de co-construction voulue par l’OFB, pour accompagner les agriculteurs dans la transition agroécologique.
Quelle vision de l’agriculture a un organisme en charge de la biodiversité ?
Philippe Dupont : Par ses missions de protection et de reconquête de la biodiversité, l’OFB est très souvent amené à traiter de sujets directement en lien avec l’agriculture et les pratiques des agriculteurs : impacts des intrants, gestion de la ressource en eau, pollution des sols et homogénéisation des paysages… Des réglementations environnementales sont nécessaires mais ce n’est pas la seule voie, loin de là. En réalité, une large partie de la biodiversité en milieu rural dépend des pratiques de l’agriculture et l’agriculture peut elle-même bénéficier de sols et d’infrastructures paysagères en bon état. Travaillons donc ensemble pour que chacun s’y retrouve. Des solutions existent, les impacts positifs du bocage sur la biodiversité du sol et les auxiliaires de culture ont été démontrés. Cela prouve que les agriculteurs et la biodiversité peuvent trouver leur compte dans un système façonné par l’Homme. Dans ce sens, nous soutenons le déploiement du Label Haie, qui permet aux agriculteurs de tirer un revenu supplémentaire d’une bonne gestion de leurs haies.
Les agriculteurs sont-ils assez impliqués ?
P.D. : Nous constatons que nombreuses initiatives locales sont mises en place par les exploitants, mais aussi par les collectivités et certaines filières agroalimentaires. Il y a ainsi matière à mettre en avant de nombreuses réussites aux plans environnemental et agricole mais aussi du point de vue des revenus financiers. Mais tous les contextes ne se prêtent pas aussi facilement à de fortes évolutions et pour un déploiement en vraie grandeur. Il faut prendre en compte les difficultés techniques, économiques voire sociologiques pour mettre en place de véritables changements de pratique.
Comment accompagner les agriculteurs dans cette transition ?
P.D. : Notre établissement peut contribuer à actionner plusieurs leviers d’action. Tout d’abord la formation, en intégrant davantage de notions liées à la biodiversité dans les programmes des lycées agricoles, en mettant en avant par exemple l’intérêt du sol comme écosystème à part entière. Nous avons un partenariat avec l’enseignement agricole pour avancer dans ce sens. Nous attendons aussi beaucoup de travaux de recherche-action associant scientifiques et agriculteurs, en explorant par exemple les déterminants de la régulation biologique, l’impact de bandes fleuries en bord de champ, ou celui de différents couverts végétaux dans les parcelles. Avec notre marque Végétal Local nous développons avec des pépiniéristes une filière de végétaux locaux permettant d’améliorer notre résilience face au changement climatique par exemple, de réaménager des haies de façon durable. La police de l’environnement très présente sur le terrain nous permet également de mieux prendre la mesure des enjeux des agriculteurs, de dialoguer avec eux et de relayer des retours d’expériences. Ainsi certains enseignements tirés des fermes Dephy soutenus par le programme Ecophyto méritent d’être mis en avant.
Quelles sont les attentes vis-à-vis de la recherche ?
P.D. : L’OFB finance et suit des programmes de recherche pour améliorer la connaissance de la biodiversité des sols et son lien avec les pratiques agricoles et les infrastructures agroécologiques. Nous avons besoin d’indicateurs permettant d’apprécier le niveau de bon fonctionnement biologique du sol. Nous contribuons dans ce sens au Réseau de mesure de la qualité des sols. L’OFB anime aussi des projets transversaux et multi-compétences pour identifier des nouvelles pistes de conception et de gestion des espaces agricoles, notamment par le biais d’aménagements fonciers mobilisant les concepts de l’écologie du paysage et de l’agroécologie
L’enjeu de la gestion de la ressource en eau est central dans le lien entre biodiversité et agriculture. Comment l’abordez-vous ?
P.D. : Ce sujet est abordé par exemple dans l’accord-cadre que nous avons signé avec l’Inrae lors du Salon de l’agriculture. C’est un enjeu majeur à ne pas laisser de côté dans un contexte de changement climatique. Nous sommes mobilisés sur la question des retenues d’eau et de leurs impacts. C’est un sujet compliqué, à aborder au regard des contextes locaux, car les conséquences et les enjeux varient d’un territoire à l’autre. Nous menons à ce titre des expérimentations sur différents bassins versants, en lien avec les collectivités et les acteurs concernés, pour évaluer les effets cumulés des nombreuses petites retenues d’eau déjà existantes. C’est une suite concrète à une expertise scientifique collective menée il y a deux ans. Nous ne pouvons pas ignorer que certains territoires ont besoin d’irrigation, mais il faut réfléchir à la manière de la mener, de même qu’il faut analyser avec les acteurs les évolutions possibles vers des cultures moins gourmandes en eau.
La Pac est actuellement au cœur d’intenses négociations pour définir les modalités de sa prochaine version. Avez-vous des attentes particulières ?
P.D. : L‘OFB souhaite accompagner les ministères en charge de l’agriculture et de la transition écologique pour contribuer à faire de la Pac un levier pour la transition agroécologique. Nous souhaitons à ce titre la reconnaissance des surfaces pastorales et des infrastructures agroécologiques, et nous faisons des propositions pour le nouveau dispositif de l'« ecoscheme », pour les dispositifs agro-environnementaux. L’office va s’impliquer dans la dynamique de mise en œuvre du plan stratégique national en déclinaison de la future PAC.