Référence agro

Protéines végétales, l’autonomie a encore besoin de moyens

Le

Avec le déconfinement qui s’amorce, la question de la relance économique se pose. Dans le secteur agricole, celle-ci concerne notamment l’enjeu de la souveraineté alimentaire. Une conférence en ligne, organisée le 7 mai, s’est intéressée à ces sujets en prenant pour exemple le cas des protéines végétales. Selon les intervenants, de nombreux ajustements doivent encore être mis en œuvre pour atteindre cet objectif.

Parcelle de soja, dans les environs d’Agen. - © D.R.
Parcelle de soja, dans les environs d’Agen. - © D.R.

Après près de deux mois de confinement, pour limiter l’épidémie de Covid-19, la France reprend, en partie, son activité, depuis le 11 mai. Si le secteur agricole ne s’est pas arrêté de tourner durant cette période, cette dernière, et le ralentissement des échanges qu’elle a causé, a néanmoins éveillé les consciences, notamment sur l’enjeu de la souveraineté alimentaire. « La France exporte beaucoup en volumes mais elle importe également beaucoup en valeurs, rappelle ainsi Arnaud Gauffier, directeur des programmes au WWF France, lors d’une conférence en ligne organisée le 7 mai sur “'Les enjeux pour la relance du secteur agricole et alimentaire après la crise du Covid-19'”. 50 % des fruits et légumes consommés sont importés ».

Pour illustrer le défi représentée par l’atteinte de la souveraineté alimentaire, les différents intervenants ont échangé autour de l’exemple des protéines végétales. « Ce sont des productions emblématiques de la dépendance française aux importations », souligne Arnaud Gauffier. 4,8 Mt de soja sont ainsi importés chaque année, pour un production française ne dépassant par la barre du million de tonnes.

Des bénéfices et des incertitudes

Les bénéfices d’une production locale de protéines végétales sont multiples : bouclage du cycle de l’azote, réduction de la déforestation importée, inclusion dans des rotations suivant un modèle agroécologique. Avec la crise du Covid-19, de nombreux consommateurs n’ont eu d’autres choix que de se tourner vers les circuits courts et des productions de leurs régions. Mais ce modèle peut-il être installé dans le temps et à plus grande échelle ? « Aujourd’hui, il existe un vrai frein logistique, aussi bien au niveau de la production que de la transformation, indique Gilles Trystam, directeur général d’AgroParisTech. D’autres éléments de vulnérabilité sont à souligner comme la question des revenus agricoles et l’évolution des comportements alimentaires, qui évoluent très vite. »

Inverser le ratio protéines animales et végétales

Actuellement, l’autonomie protéique de la France ne dépasse pas les 50 %. Pour Pierre-Marie Aubert, coordinateur de l’initiative agriculture européenne à l’Iddri, cette autonomie doit aller de pair avec une véritable « transition protéique », en inversant notamment le ratio entre les protéines animales, encore largement majoritaires, et animales. Et ce, d’autant plus dans un contexte de croissance rapide de la population mondiale. « Les surfaces actuelles de production de protéines végétales devraient être doublées d’ici à 2030 et multipliées par quatre pour 2050 », résumé Pierre-Marie Aubert. Des considérations qui interrogent le modèle agricole actuel. « Pour reconnecter élevage, production de protéines végétales et transition écologique, le modèle de la polyculture/élevage, avec diversification, nous semble le plus vertueux, plaide Nicolas Girot, porte-parole de la Confédération paysanne. Le maintien de l’activité justifie souvent des surpopulations d’animaux dans des élevages, n’oublions pas les enjeux sociaux pour permettre aux éleveurs de se réorienter. »

Un grand besoin de financements

Cette réorientation ne se fera pas sans moyens. « Si nous voulons générer cette capacité de production, il faut investir, rappelle Pierre-Marie Aubert. Pour produire 100 000 tonnes de pois, il faut 300 000 €. Nous avons pour objectif une production de 500 000 tonnes, ce qui nécessiterait un investissement de 1,5 milliards d’euros. » Dans ce cadre, les intervenants insiste sur le rôle à jouer par les politiques publiques mais aussi par la Pac.  « Les aides couplées ne vont pas assez loin. Des eco-schemes (PSE) pour la fourniture d’azote pourraient être envisagés », explique Pierre-Marie Aubert. Des efforts qui devraient s’accompagner d’une structuration des débouchés et de la demande, aussi bien pour la consommation animale qu’humaine. « Trop peu de travaux sont menés aujourd’hui sur la manière de stimuler consommation et production, ce sujet doit être mis à l’agenda politique », assure le coordinateur à l’Iddri.