Quel avenir pour les céréales bio en France ?
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Les consommateurs en veulent de plus en plus. Le gouvernement souhaite multiplier les surfaces d’ici à 2022 pour atteindre 15 % de la SAU, contre 6,5 % en 2017. Le bio est désormais sur toutes les lèvres… et dans de nombreux projets de coopératives et négoces français. Mais dans la pratique, les acteurs du monde agricole parviennent-ils à suivre la cadence imposée ? Quels sont les freins à lever ? Focus sur la filière céréalière, à l’occasion des deuxièmes rencontres grandes cultures bio, organisées par Arvalis le 22 janvier à Paris.
Encore besoin de l’import
La demande en produits bio reste largement supérieure à l’offre française, et ce, malgré les efforts engagés par la filière. « Entre 2010 et 2018, nous avons multiplié par trois notre production d’aliments pour le bétail pour atteindre 84 000 t, mais nous sommes limités par l’approvisionnement des matières premières, notamment celui en protéines, indique Bertrand Roussel, responsable du bio chez Terrena. Pour l’instant, nous devons continuer à importer pour éviter de nous retrouver, certaines années, en manque de matière première française. »
Même constat du côté de la meunerie : « La France importe entre 30 et 35 % de farine bio. La demande est forte pour le bio 100 % français, mais c’est aujourd’hui impossible », estime Olivier Deseine, du Moulin de Brasseuil (78). L’abaissement, dans les cahiers des charges de la meunerie, du taux de protéines de 11 à 10,5 serait un moyen « d’engager plus de blés français, à compléter bien sûr avec les tests de panification », estime le responsable.
Renforcer les partenariats entre régions sur le long terme
Chez Terrena, le fait d’être un organisme collecteur intégré dans les filières de l’aval, sur plusieurs bassins de production, facilite toutefois la vision de l’approvisionnement. « Il faut développer au maximum la production en interne : au moins d’avril, nous avons conscience d’environ 80 % des surfaces de bio de notre coopérative », constate Bertrand Roussel. Le développement du bio français passe donc par la structuration de la filière.
« Nous devons poursuivre la conversion des exploitations agricoles, mais pas sans monter des filières, avec de la contractualisation sur le long terme, estime Burkhard Schaer, du bureau d’études franco-allemand, spécialisé dans l’agro-alimentaire. Pour contrer les aléas climatiques, la construction de partenariats à l’échelle suprarégionale, s’affiche comme une solution. »
Toutefois, certaines filières industrielles françaises, comme la betterave, débutent à peine les expérimentations pour lever les freins agronomiques de ce mode de production, ce qui devrait retarder encore un peu la mise en place d’un approvisionnement français.
Un coût de stockage deux fois plus élevé en bio
« Si nous voulons de la matière première bio 100 % française, nous avons besoin d’une politique de stockage de report, avec au moins 30 % de marges en plus ou en moins, pour absorber les aléas de rendement de 30 % », souligne Bertrand Roussel.
Le stockage des grains bio requiert des circuits différents du conventionnel pour éviter les contaminations, d’où le choix des distributeurs, souvent, de dédier des silos à ce mode de production.
« En tenant compte du coût de construction d’un silo bio, le coût de stockage avoisine 450 €/t, soit deux fois plus que celui du conventionnel, constate Serge Rostomov, directeur technique d’Agribio Union qui regroupe six coopératives dans le Sud-Ouest. Nous stockons une quarantaine de produits différents. Nous ne disposons pas de débouchés export. Le stockage est donc parfois long pour alimenter notamment les fabricants d’aliments toute l’année, d’où un faible turnover, et un ratio collecte/stockage mauvais : de l’ordre de 0,8 à 1, contre 1,5 à 2 dans le conventionnel. »
A cela s’ajoutent des coûts d’analyses laboratoire plus conséquents, de l’ordre de 1 €/t.
Le silo idéal de Serge Rostomov ? Un outil avec des capacités de stockage plus grandes tout en conservant un nombre de cellules important pour traiter les différents produits, une manutention adaptée avec notamment des pieds d’élévation facilités, des outils spécifiques comme les trieurs alvéolaires, voire optiques. « Stocker en agriculture biologique, c’est possible, mais il faut surtout investir dans la formation du personnel silo et qualité », conclut-il.