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Récolte 2023, 6 points clés pour mieux appréhender le marché du blé français

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Le blé français sera-t-il compétitif au cours des 12 prochains mois ? L’Ukraine va-t-elle réussir à exporter tout son blé ? La demande chinoise va-t-elle croitre ? C’est pour répondre à ces questions que le cabinet d’analyse Agritel s’est prêté, comme chaque année, au jeu de la prospection. Focus sur six points clés relatifs à la campagne de commercialisation 2023/2024 de blé tendre .

Récolte 2023, 6 points clés pour mieux appréhender le marché du blé français
Récolte 2023, 6 points clés pour mieux appréhender le marché du blé français

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Récolte 2023, 6 points clés pour mieux appréhender le marché du blé français - © D.R.
Récolte 2023, 6 points clés pour mieux appréhender le marché du blé français - © D.R.

Alexandre Marie, analyste chez Agritel[/caption]

La récolte 2023 terminée, il est temps de se pencher sur la commercialisation à venir du blé français. Estimation des volumes disponibles, risques géopolitiques, demande des différents marchés… Lors de sa conférence de rentrée du 24 août, le cabinet d’analyse Agritel a mis en avant les chiffres clés et les facteurs qui influenceront la campagne de commercialisation 2023/2024.

Récolte 2023, une collecte de blé tendre estimée à 34,8 Mt

Le cabinet a estimé la collecte 2023 française de blé tendre à 34,8 Mt. « Un volume correct, qui va permettre de répondre à la demande, tant en qualité qu’en quantité », estime Alexandre Marie, chef analyste chez Agritel. Le rendement moyen est estimé à 73 q/ha, soit un quintal de plus que la moyenne quinquennale. Ce chiffre cache des disparités, avec « une France coupée en deux ». « La pluie a impacté d’environ 10 % les rendements sur le Nord et le Nord-Est de la France. Cela représente environ 2 à 3 Mt de perdues », estime le consultant. Sur ces régions, davantage de blés seront déclassés en blé fourrager et partiront probablement pour l’alimentation du bétail sur le marché intérieur.

17 Mt disponibles pour l’export, dont 9,5 Mt pour les pays tiers

Après avoir répondu aux besoins du marché domestique, qui devraient être plutôt modérés, la France devrait disposer d’un potentiel d’export de 17 Mt : des disponibilités jugées « totalement satisfaisantes » par Alexandre Marie. Au sein de l’Union européenne, l’Espagne, qui a perdu 50 % de sa production de blé à cause des fortes chaleurs et du manque d’eau, devrait se porter acheteuse. Agritel évalue les exportations vers la péninsule ibérique de l’ordre de 2,3 Mt (+32 % par rapport à la moyenne quinquennale). Suite à une dégradation de ses blés du fait de la météo, le nord de l’Europe devrait également avoir besoin de blé meunier. Toutefois, les flux depuis la France entreront en concurrence avec les exportations depuis l’Ukraine.

Maghreb, des marchés historiques plus disputés qu’avant

9,5 Mt sont exportables vers les pays-tiers. « Depuis 10 jours, le blé français est au coude-à-coude avec l’origine russe. Il va falloir rester compétitif pour performer à 9,5 Mt », estime Alexandre Marie. Les marchés traditionnels comme l’Algérie et le Maroc restent des opportunités pour la France, avec respectivement 2,3 Mt et 2 Mt de volumes de blé exportable. « En revanche, ces destinations sont devenues plus concurrentielles avec l’évolution de leurs cahiers des charges », explique Alexandre Marie. Le Gouvernement marocain a notamment revu, il y a quelques semaines, le principe de restitution, qui accordait une prime pour l’achat de grains français. Ces évolutions rendent plus facile l’accès des blés russes. « La France a une carte à jouer en Chine, qui a connu un accident météo, dégradant la qualité de ses blés. La France devrait être présente à hauteur de 1,15 Mt », pronostique-t-il.

Vers un record d’exportation russe

Une fois de plus, la Russie bat des records. Agritel estime à 87,5 Mt sa production de blé tendre pour la récolte 2023, deuxième meilleure collecte jamais enregistrée après celle de 2022. « La Russie conforte sa place à l’échelle internationale. On peut se diriger vers le record d’exportation de 49 Mt. Les Russes réalisent déjà un très bon départ ». Sur juillet, les exportations mensuelles s’élevaient à 4,4 Mt, contre 2,6 Mt pour la moyenne quinquennale.

Tensions sur le marché du blé meunier

Si la collecte mondiale de blé se situe dans les moyennes des précédentes années, la récolte 2023 s’illustre par le déclassement d’une partie des blés en blés fourragers, notamment en Europe continentale (UE 27, Ukraine, Russie). Sur cette région, la part du blé meunier ne représente que 58,6 % de la collecte cette année, contre 69,5 % en moyenne sur les cinq dernières années. Chez les principaux pays exportateurs, le stock atteint son niveau le plus bas depuis 2012, « sachant qu’à cette époque, la demande était moins forte. À l’échelle mondiale, il n’y a pas tant de marge de manœuvre que cela sur les stocks de blé meunier », précise Alexandre Marie. En effet, les stocks nord-américains sont à leur deuxième niveau le plus bas depuis 2008/2009, avec notamment un accident de production du côté du Canada. Même constat dans l’hémisphère Sud, où le manque de précipitations pourrait rapidement dégrader le potentiel de récolte, en Argentine comme en Australie.

30 % des capacités d’export ukrainiennes à l’arrêt

Malgré la guerre qui sévit sur son territoire depuis plus d’un an, l’Ukraine est parvenue à produire 20,5 Mt de blé tendre. Reste la question de sa capacité à l’exporter. À ce jour, 30 % de ses capacités d’exportation sont à l’arrêt. Cela concerne notamment le port d’Odessa, qui dispose d’une capacité d’export de 4,5 Mt. « Ajoutons à cela que 54 % des autres capacités sont à risque, suite à la récente escalade des tensions », indique Alexandre Marie. L’Ukraine est malgré tout parvenue à mettre en place des alternatives, notamment en recourant aux trains, aux camions et à la voie fluviale via le Danube. Agritel estime que l’Ukraine est en mesure d’exporter 13 Mt de blé. « Ces estimations tiennent compte du fonctionnement actuel des ports. Si les sites à risques cessent de fonctionner, cela va restreindre les volumes exportés et générer de nouvelles tensions à l’international. »