Sensibiliser les agriculteurs à l’impact de la pollution de l’air
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« Agriculture et qualité de l’air, pourquoi s’en préoccuper ? » Voilà la question qui était posée lors d’un point organisé par Inrae au Salon de l’agriculture, le 26 février. Comparé à l’enjeu de la pollution de la ressource en eau, la question de l’impact de l’agriculture sur la qualité de l’air demeure méconnue. « C’est une thématique nouvelle, il y a peu de normes et de références, comparé à l’eau, sur la présence de résidus d’intrants dans l’air », résume Alfred Klinghammer, de la Chambre d’agriculture du Grand Est. Pourtant, le sujet interroge. Selon une étude de l’Insee de 2017, la pollution de l’air était le deuxième sujet de préoccupation lié à l’environnement des Français, derrière le changement climatique.
Plusieurs programmes de recherche à l’œuvre
Pour mieux appréhender le lien entre pratiques agricoles et contamination de l’air, plusieurs programmes de recherches ont été développés. C’est le cas notamment du projet Repp’air, dans le Grand Est en 2016 et étendu depuis à sept régions, et dont les résultats sont attendus pour l’automne. Autre projet porté par la région, Prosp’air cible plutôt la sensibilisation des agriculteurs à ces enjeux. « Quand nous avons lancé ces programmes, la préoccupation de la qualité de l’air n’était pas un sujet majeur, rappelle Laurent Rouyer, président de la Chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle. Des documents ont été produits pour sensibiliser le monde agricole. L’année 2020 sera consacrée à l'agglomération de toutes les références. »
Autres résultats attendus, en début d’année, ceux de la campagne exploratoire nationale de mesure des résidus de pesticides dans l’air, lancée à l’été 2018. Enfin, symbolique de la prise de conscience autour de ces enjeux, un guide de bonnes pratiques pour réduire les émissions d’ammoniac a été publié à l’automne 2019 par l’Ademe. L’agriculture est en effet à l’origine de 94 % de ces émissions. « La recherche doit accompagner l’élaboration des politiques publiques pour éviter une gouvernance par l’émotion sur ce sujet », réagit Christian Huyghe, directeur de recherche à Inrae.
L’impact de l’ozone sur les rendements
Si le secteur agricole, soutenu par la recherche, doit agir pour limiter son impact sur la qualité de l’air, celui-ci pâtit aussi de cette pollution. C’est notamment le cas en ce qui concerne l’ozone, a expliqué Jean-François Castell, maître de conférence à AgroParisTech. « L’impact porte sur les rendements, on estime qu’en 2000, les rendements de blé en Europe ont été amoindris de 13 % de ce fait, les prévisions pour 2020 sont de -9 % », précise-t-il. Même s’il présente ces chiffres comme « avant tout comme des pistes de réflexions », il insiste sur l’importance de prendre en compte ce phénomène, d’autant plus que les légumineuses, dont l’inclusion dans les rotations est de plus en plus préconisée, y sont plus sensibles que les graminées.
Ce sujet reste « complètement inconnu dans les exploitations », témoigne Edwige Kerboriou, vice-présidente de la Chambre d’agriculture de Bretagne. Alors que la séparation du conseil et de la vente des produits phytosanitaires doit intervenir l’année prochaine, l’élue insiste sur « le gros effort de conseil à faire auprès des agriculteurs », en lien avec les scientifiques, car « la méconnaissance de ce sujet pourrait les entraîner vers une plus grande utilisation de produits phytosanitaires, ce qui n’est pas la dynamique actuelle ».