Toopi Organics change l’urine en biostimulant… et ça coule de source
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Créée en 2019, la start-up Toopi Organics, spécialisée dans les biostimulants urino-sourcées, connaît des débuts en fanfare. Après deux levées de fonds de plusieurs millions d’euros, elle exporte désormais en Belgique et au Bénin, et prépare activement son déploiement à grande échelle dans l’Hexagone.
« Toopi Organics est née de cette idée qu’il fallait sortir l’urine de l’eau potable ». À l’occasion du Salon de l’Agriculture (Sia), le 27 février 2024, Alexandra Carpentier, directrice générale, est revenue sur la genèse de la jeune start-up de Loupiac-de-la-Réole (Gironde), fondée en 2019 et qui, depuis, n’en finit plus de grandir, jusqu’à compter aujourd’hui pas moins de 35 salariés. Sa particularité ? « Collecter l’urine humaine pour la transformer en biostimulant agricole ».
Une subvention à plusieurs millions d’euros de l’UE
Un marché on ne peut plus novateur, fruit de premières années consacrées à la R&D, qui cumule déjà de nombreuses récompenses. Outre deux levées de fonds à un puis seize millions d’euros, Toopi Organics décroche en novembre 2023, une subvention de 8,6 millions d’euros de l’accélérateur EIC, le programme phare de l’UE pour les start-up deep tech. Forte de quatre brevets déposés et plusieurs AMM à son actif, Toopi Organics commercialise depuis 2023 son premier produit, le Lactopi Start.
Son procédé est simple, du moins sur le papier. Toopi Organics récolte l’urine depuis ses toilettes (sèches) installées, contexte oblige, au Sia, mais aussi dans des festivals de musique, dans les urinoirs de rue à Toulouse (Haute-Garonne) et au Futuroscope, où un bâtiment est d’ores et déjà outillé. L'aire d’autoroute de Châtellerault (Vienne) est également équipée, et un partenariat signé avec Vinci Autoroutes prévoit d’étendre le dispositif à dix aires, dans un premier temps. En 2023, 450 000 litres d’urine ont ainsi été collectés par Toopi Organics, qui ambitionne de doubler ce score sur l’année actuelle.
L’urine est ensuite stabilisée dans l’usine de fermentation girondine, la première mondiale de ce type, où la quasi-totalité des agents pathogènes et xénobiotiques présents sont éliminés. Un inoculum bactérien est alors introduit, avant distribution. « Ce que nous vendons, c’est un concentré de bactéries qui va permettre aux plantes d’aller capter dans le sol, dans l’eau et dans l’air les nutriments dont elles ont besoin pour pousser et permettre ainsi à l’agriculteur de diminuer ses quantités d’engrais chimiques », souligne Alexandra Carpentier.
Un intérêt autant agronomique qu’écologique
L’application racinaire de ce biostimulant d’un nouveau genre permet en effet de pallier aux produits de protection conventionnels, « aux prix extrêmement volatiles, souvent importés et fort émetteurs de gaz à effet de serre ». « Lactopi Start favorise un meilleur enracinement parce qu’il permet de mieux résister au stress hydrique et améliore l’absorption des nutriments, poursuit la directrice générale. Sur le moyen et long terme, l’utilisation répétitive du biostimulant permet également de « revitaliser les sols et d’améliorer son capital ».
Outre ses effets agronomiques, l’outil présente un intérêt environnemental. « Un litre de biostimulant appliqué, c’est un litre d’urine collecté, faisant économiser 12 litres d’eau », détaille Alexandra Carpentier. Son application à 25 l/ha émet 10 kg de dioxyde de carbone, contre 200 kg pour un DMP appliqué à 150 kg/ha ». Sa forme liquide permet aux agriculteurs de la répandre avec des outils déjà en sa possession, comme des pulvérisateurs.
Trois principaux pays de distribution
Pour l’heure, le Lactopi Start se destine principalement aux betteraves, aux pommes de terre, au colza, ainsi qu’aux vignes et cultures pérennes telles que les oliviers et les amandiers. Il est distribué dans trois pays : la Belgique, grâce à un partenariat avec la Société coopérative et agricole de Meuse (Scam), la plus grosse coopérative nationale, le Bénin, avec un partenariat avec le ministère de l’Agriculture signé en décembre 2023, et en France, où la première commande de Toopi Organics, signée cette semaine avec la société Agripro, prévoit la distribution de 17000 litres. Des expérimentations sont en cours chez une vingtaine de coopératives de l’Hexagone, dont Limagrain, Terres du Sud et Cérèsia.