« Une forte demande de formation à l’agroécologie », Sébastien Roumegous, CDA
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Le Centre de développement de l’agroécologie (CDA) organise depuis une dizaine d’année des formations, à destination des entreprises et agriculteurs, dans le cadre d’un accompagnement de leur transition agroécologique. Pendant le confinement, des sessions ont été organisées en ligne. Pour Sébastien Roumegous, co-président du CDA, un trop grand nombre d’acteurs du secteur agricole manquent encore de connaissances pratiques pour permettre un déploiement à grande échelle de l’agroécologie.
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Sébastien Roumegous, co-fondateur et co-président du Centre de développement de l’agroécologie, plaide pour une plus grande formation des acteurs du secteur agricole.[/caption]
Avec le confinement lié à l’épidémie de Covid-19, la tenue de formations auprès des agriculteurs est plus compliquée. Mais comme dans de nombreux domaines, l’adaptation est de mise. Le Centre de développement de l’agroécologie (CDA), qui forme plus de 600 professionnels par an, a dû aussi faire avec ces nouvelles contraintes. Pour Sébastien Roumegous, co-fondateur et co-président du CDA, la formation est une étape essentielle au développement de l’agroécologie en France. Mais des verrous doivent encore être débloqués, notamment au sein de l’encadrement des agriculteurs. Explications.
Référence Agro : Comment vous-êtes vous adaptés au confinement pour poursuivre la tenue de vos formations ?
Sébastien Roumegous : Nous proposons des formations depuis sept ou huit ans. Le confinement a été l’opportunité pour nous de créer un service de formation en ligne, pour notre service Cap Agroeco Les premières sessions se sont tenues le 26 mars. Deux étaient organisées, une pour les entreprises de l’agroalimentaire, une seconde pour les agriculteurs. Nous souhaiterions accélérer pour passer de demi-journées à des journées de formation entière, régulièrement. La demande de la part des acteurs du secteur agricole est énorme et nous sommes peu à proposer une offre combinant méthode de diagnostic, formation professionnelle et accompagnement dans le secteur de l’agroécologie.
R.A. : Sur quoi avez-vous insisté lors de ces sessions ?
S.R. : Le thème de la formation des entreprises de l’agroalimentaire était la RSE. Les discussions ont tourné autour de ce qu’est une agriculture durable, puis sur la manière de mettre en place une stratégie RSE en interne, au service du déploiement de l’agroécologie. Cela implique d’avoir une certaine continuité stratégique au sein des services achat/marketing et RSE. Nous sommes de plus en plus sollicités par ces acteurs, qui se posent de vraies questions sur le sujet et souhaitent trouver de nouvelles manières de penser leur stratégie d’approvisionnement en matières premières, tout en étant accompagné concrètement sur le terrain avec les équipes opérationnelles. Cela s’explique notamment par un manque de ressources humaines en interne, mais aussi de contacts avec le terrain. D’autant plus que cette réorganisation peut coûter chère et doit s’étaler sur plusieurs années.
R.A. : Qu’en est-il de la formation après des agriculteurs ?
S.R. : Les agriculteurs veulent se reconnecter au sol, les formations tournent donc autour du concept de sols vivants. Les profils sont divers, même si la plupart sont installés depuis moins de 15 ans. Tout changer quand on approche de la retraite, c’est compliqué. Nous abordons des sujets assez techniques comme les quantités de matière sèche restituée à l’hectare, le bilan humique de la rotation, le bilan carbone, les couverts végétaux, l’autonomie fourragère en élevage. Notre objectif est de « re-responsabiliser » les agriculteurs pour qu’ils maîtrisent les indicateurs fondamentaux de la performance économique et environnementale de leurs systèmes de production. Tout revient à faire quelques calculs mathématiques simples et bien pensés à partir de la comptabilité et des facteurs de production que l’on va combiner différemment pour que le système agricole soit générateur d’euros et de biodiversité. C’est la clé de voûte. Mais nous voulons aussi faire comprendre que ce n’est pas parce qu’on se dirige vers des sols vivants que tout va fonctionner au niveau économique. Il faut relier l’économie, la bonne gestion de son entreprise, à l’agronomie.
R.A. : De manière plus générale, comment analysez-vous le développement de l’agroécologie ?
S.R. : Le bio, l’agriculture de conservation, ces modèles se sont développés à la force des poignets des agriculteurs au début des années 80 puis des années 2000. A partir de 2012, une partie de l’encadrement agricole a pris à bras le corps cette thématique, avec par exemple la création des GIEE par Stéphane Le Foll, véritables fers de lance de l’innovation en agroécologie. Aujourd’hui, nous entrons dans une nouvelle phase. L’agriculture de conservation a été stabilisée par les agriculteurs et quelques agronomes. Des réseaux de producteurs vont se constituer pour aller plus loin. Mais pour cela, les agriculteurs ont besoin de davantage de compétences. Nous recevons des demandes d’accompagnement de coopératives ou d’agriculteurs chaque semaine preuve que l’envie est là !
R.A. : Le monde agricole dispose-t-il aujourd’hui des connaissances nécessaires pour déployer à grande échelle l’agroécologie ?
S.R. : Aujourd’hui, 8 à 10 % des agriculteurs sont convertis à des modèles agroécologiques. Cela devrait doubler en 10 ans. Ce groupe pionnier va entraîner, va consolider la transformation de l’agro-distribution, avec le développement accéléré de nouvelle gamme comme le biocontrôle, la biostimulation ou les couverts végétaux par exemple. Nous constatons néanmoins des lacunes du côté de l’encadrement agricole, où une faible partie du personnel sait construire et gérer convenablement des itinéraires techniques complexes avec des couverts végétaux. Il y a un déficit de connaissances agronomiques, qui se ressent parfois sur le conseil délivré aux agriculteurs. La santé des plantes sans la santé des sols, ça ne peut pas marcher. Les agriculteurs sont les premiers à déplorer un déficit d’accompagnement sur ces sujets. Des verrous sociaux, et non seulement techniques, doivent encore être débloqués pour permettre la réelle mise en œuvre de la transition agroécologique. Les choses avancent, l’accès à la connaissance est plus facile et je ne doute pas que dans quelques années des progrès considérables seront encore réalisés en la matière.
Des formations d’une demi-journée, en ligne, sont désormais proposées une fois par mois par le CDA. Quatre journées techniques sont également prévues : le 23 septembre, dans le Rhône pour une journée de formation en Grandes cultures ; le 1er octobre, dans le Rhône, pour une journée de formation en Polyculture / élevage ; fin octobre, dans la sud de la Drôme, pour une journée de formation en Arboriculture ; le 12 novembre, en Isère, pour une journée de formation en Maraîchage sol vivant.