Agroécologie

Agriculture bio, l’Itab présente ses avancées sur la biodiversité, le climat et la santé

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L’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab) a actualisé son expertise scientifique de 1996 concernant l’apport de l’agriculture biologique (AB) à la préservation des ressources naturelles, du climat et de la santé. Présentée le 10 juin à Paris, cette étude, commandée par le ministère de la Transition écologique, a mobilisé des chercheurs de l’Inrae et de l’Inserm.

Amélie Coantic, adjointe au Commissaire général au développement durable, CGDD, au ministère de la T - © D.R.
Amélie Coantic, adjointe au Commissaire général au développement durable, CGDD, au ministère de la T - © D.R.

L’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab) a mis à jour son expertise scientifique de 1996 sur l’apport de l’agriculture biologique (AB) à la préservation des ressources naturelles, du climat et de la santé. Les résultats ont été présentés le 10 juin à Paris, suite à une commande du ministère de la Transition écologique, avec la contribution de chercheurs de l’Inrae et de l’Inserm. « Il est essentiel d’objectiver les résultats en agriculture biologique, indique Amélie Coantic, adjointe au Commissaire général au développement durable, CGDD, au ministère de la Transition écologique. C’est essentiel pour enrichir le discours vis-à-vis du consommateur et le rassurer. »

Le changement climatique est inédit avec les huit dernières années les plus chaudes de la planète. « Entre 2016 et 2022, nous avons une forme de réactivation des débats entre le bio et le conventionnel, notamment sur l’affichage environnemental qui pouvait poser question pour refléter les atouts des agroécosystèmes, note Natacha Sautereau, coordinatrice du pôle durabilité et transition de l’Itab. L’institut a progressé dans l’étude des effets des produits bio, bien qu’il reste des lacunes sur l’impact climatique. Des avancées ont été faites sur l’influence du paysage sur la biodiversité. « Il est nécessaire de consolider l’expertise technique dont nous savons qu’elle est complexe, mais les enjeux sont forts, ajoute Amélie Coantic. Cela nous permettra d’avancer sur notre vision du bio et des politiques publiques. » L’Itab reconnaît la nécessité de faire de la pédagogie sur cette étude, qui a consolidé 800 références bibliographiques, pour assurer des débouchés stables.

Sols, des indicateurs au vert

L’étude utilise divers indicateurs pour évaluer la matière organique, la qualité biologique, physique et chimique des sols, ainsi que les contaminations liées aux intrants. Les résultats montrent une hausse de 35 % de la matière organique en moyenne dans les sols bio par rapport aux sols conventionnels, grâce à l’usage de fertilisants organiques, à une plus grande quantité de résidus de récolte, à des rotations plus longues et à l’utilisation accrue de légumineuses. De plus, 70 % des indicateurs de la qualité biologique des sols sont plus favorables en bio, avec des gains pour les micro-organismes et les nématodes. Toutefois, le travail du sol, utilisé pour contrôler les mauvaises herbes, peut nuire à la vie des sols. Peu d’études traitent de l’impact sur les propriétés physiques, mais une tendance favorable à l’agriculture biologique se dégage, notamment en termes de disponibilité en eau grâce à une meilleure porosité, indique l’Itab.

Les contaminations chimiques sont moins fréquentes en bio, de -30 % à -55 %, avec des teneurs réduites de 70 % à 90 %, et une moindre contamination des eaux, selon les données réactualisées. Quelques substances, comme certaines huiles minérales, l’azadirachtine, le spinosad, le soufre et le cuivre, restent préoccupantes. « Pour le cuivre, ce n’est toutefois pas une problématique spécifique pour l’agriculture biologique », précise Eva Lacarce, chargée de projet Sol à l’Itab. Les effluents d’élevage, pouvant contenir des éléments traces métalliques, représentent aussi un risque de contamination.

Biodiversité, les liens mieux précisés

L’étude de 2016 a mis en avant la complexité à démontrer la contribution de l’agriculture biologique à la biodiversité en raison de la diversité des liens et de l’absence d’une unité commune. Toutefois, les dernières études montrent une hausse de 32 % des individus et de 23 % du nombre d’espèces dans les parcelles bio par rapport aux parcelles conventionnelles. Ces résultats varient selon les cultures, les espèces étudiées et le contexte paysager. « Les écarts sont importants entre les parcelles de céréales, et l’effet de l’AB est souvent positif sur les cultures pérennes, explique Bastien Dallaporta, chargé de projet Évaluation de la durabilité à l’Itab. En maraîchage et en prairie, c’est moins documenté. » L’agriculture biologique a un effet positif sur l’abondance et la richesse spécifique dans tous les groupes fonctionnels, favorisant la présence d’ennemis naturels et de pollinisateurs.

Des recherches récentes en écologie du paysage montrent également que l’hétérogénéité du paysage influence significativement la biodiversité à l’échelle des régions agricoles. Bien que la part d’éléments semi-naturels ne varie pas selon le mode de production, l’AB améliore la qualité de ces habitats, indique l’institut. De plus, les rotations plus longues et diversifiées et les tailles de fermes plus réduites associées à l’AB contribuent à l’hétérogénéité paysagère.

Climat, encore des études à consolider

L’agriculture biologique contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) principalement grâce à ses pratiques de fertilisation. L’absence de fertilisants de synthèse et la faible disponibilité des produits résiduaires organiques (PRO) entraînent des émissions moindres de N₂O et de CO₂ à la parcelle, réduisant les émissions des productions végétales biologiques de l’ordre de 50 % par unité de surface. Les émissions de CH₄ peuvent être plus importantes en AB en raison des rations à base de fourrages grossiers. Cependant, les systèmes d’élevage biologiques pourraient moins contribuer aux émissions induites par la transformation des terres, tant à l’étranger qu’en France pour éviter la déforestation et la conversion de prairies permanentes en cultures.

Par ailleurs, les pratiques de fertilisation en AB, incluant les PRO et les légumineuses, favorisent une accumulation de carbone organique dans les sols plus importantes qu’en AC. Les performances de l’AB en matière d’atténuation du changement climatique dépendent de l’unité fonctionnelle utilisée pour les mesures. Les émissions par hectare sont systématiquement inférieures en AB pour presque toutes les productions. Toutefois, par unité produite, les conclusions varient en raison des rendements plus faibles en AB. Les productions végétales AB montrent généralement de meilleures performances en termes de GES, quelles que soient les unités fonctionnelles. Pour les produits animaux, les résultats sont plus hétérogènes : meilleure empreinte pour le bœuf, équivalente pour le lait, et moins bonne pour les monogastriques. L’étude souligne des limites méthodologiques pouvant affecter les comparaisons entre AB et AC et recommande de poursuivre les recherches pour accompagner la mise en œuvre de leviers de réduction des GES dans les systèmes AB.

Santé, des effets directs et indirects

L’Itab s’est appuyé sur le rapport de l’Inserm de 2021. La population générale est aussi exposée aux résidus de produits phytosanitaires, retrouvés dans les aliments, et ce de façon différenciée entre AB/AC avec une fréquence diminuée de 30 %, mais également des concentrations moyennes de résidus observées 100 fois inférieures à leurs équivalents conventionnels en fruits et légumes AB. L’absence d’antibiotiques en bio réduit aussi les risques d’antibiorésistance. Cependant, il n’y a pas de différence pour les éléments traces métalliques, excepté pour le cadmium, ou les mycotoxines. Certaines substances, comme le cuivre, la lambda-cyhalothrine et le spinosad, posent des questions en bio. Les produits bio contiennent moins d’additifs alimentaires (57 contre 340 en AC) et d’auxiliaires technologiques (42 contre 400). Les teneurs en vitamines, minéraux, composés phénoliques des végétaux sont supérieurs en bio, tout comme ceux en omégas 3 pour les produits animaux. Les teneurs en acides gras saturés sont par ailleurs réduits et les produits transformés en bio contiennent moins de sucres, de sodium et d’acides gras saturés. Enfin, la consommation régulière d’aliments biologiques est associée à un risque réduit d’obésité, de diabète de type 2, de cancer du sein post-ménopause et de lymphome non-hodgkinien dans le cadre de certaines études, bien que ces résultats ne soient pas toujours convergents selon les cohortes. « Les aliments bio ont donc un intérêt nutritif direct et indirect », indique Rodolphe Vidal, coordinateur du pôle qualités et transformation des aliments à l’Itab. Le Programme national nutrition santé, PPNS 4, prévoit de recommander de consommer davantage d’aliments bio, selon l’Itab.