« Ne pas se résoudre à opposer urgence agricole et écologique », Philippe Mauguin (Inrae)
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La reconduction de Philippe Mauguin aux fonctions de PDG de l’Inrae, proposée par Emmanuel Macron, président de la République, le 2 octobre 2024, est approuvée par le Parlement le 15 octobre 2024. Sur 88 votants, 57 parlementaires ont voté favorablement pour cette nomination.
La reconduction de Philippe Mauguin aux fonctions de PDG de l’Inrae, proposée par Emmanuel Macron, président de la République, le 2 octobre 2024, est approuvée par le Parlement le 15 octobre 2024.
Les commissions des Affaires économiques du Sénat et de l’Assemblée nationale ont procédé à l’audition de Philippe Mauguin, avant de procéder au vote sur sa reconduction à la présidence de l’Inrae. Sur 88 votants (48 députés, 40 sénateurs), 57 parlementaires (36 députés, 21 sénateurs) ont voté favorablement, 28 parlementaires (10 députés, 18 sénateurs) ont contre, deux députés se sont abstenus et un sénateur a voté blanc.
Le rejet du projet de nomination étant atteint uniquement en cas de 3/5e de votes « contre » de la part des parlementaires, Philippe Mauguin est maintenu à la tête de l’Inrae.
« Ne pas se résoudre à opposer urgence agricole et écologique »
Le dirigeant était entendu par la commission des Affaires économiques du Sénat dans le cadre de sa reconduction. Défendant son bilan à la tête de l’institut depuis 2020, il déclare notamment : « Si l’on regarde les recherches agricoles, animales et végétales, nous sommes dans les trois premiers instituts mondiaux, au coude-à-coude avec nos collègues chinois et américains. Mais nous sommes probablement le premier à être capable de faire ces interactions ».
« Dans le même temps où nous avons constitué cet établissement, il y a eu une accélération sans précédent des crises climatiques, sanitaires, géopolitiques. Évidemment, nos chercheurs travaillent depuis longtemps sur le dérèglement climatique. Ils contribuent, avec les collègues du GIEC, à donner des signaux d’alarme au niveau international. Mais nous n’imaginions probablement pas que les crises climatiques allaient s’accélérer à ce niveau d’intensité et toucher, y compris dans notre pays, les productions agricoles et forestières. À peine étions-nous sortis de la pandémie du Covid que nous avons dû faire face à des épizooties qui touchent nos cheptels, que ce soit la grippe aviaire, la MHE, ou la FCO. La guerre en Ukraine a entraîné une formidable explosion du coût des intrants, du coût de l’énergie, qui a bousculé les secteurs. Il faut que nous prenions mieux en compte les multi-crises pour dessiner des systèmes de production agricole résilients, qui permettent de tenir le choc », indique-t-il également.
« Il faut que nous montions en puissance sur l’arsenal d’anticipation des bio-agresseurs qui attaquent nos cultures. Il y en aura de plus en plus avec le dérèglement climatique. Nous avons mis en place, avec le Masaf, une plateforme d’épidémiosurveillance végétale. Je me prépare, et cela fait partie de mon projet, à renforcer les moyens sur ces enjeux de sécurité sanitaire », souligne Philippe Mauguin.
« On a entendu les remarques, dans les campagnes, y compris au salon de l’Agriculture, disant que l’Inra amenait des solutions dans les cours de ferme, alors que l’Inrae n’en amènerait plus. Je suis obligé de dire que ce n’est pas tout à fait exact. Par contre, nous avons une responsabilité à le faire mieux savoir. Nous devons faire un effort de communication, de transparence, de lisibilité, sur les recherches que le contribuable finance », estime-t-il.
« Nous allons être décrochés vis-à-vis de la Chine »
« En termes de chercheurs, ingénieurs, techniciens, agents permanents, il y a 8 000 agents à l’Inrae. À l’Inra et l’Irstea, nous étions plus nombreux. Nous avons contribué aux efforts d’économie dans le secteur public. Nous avons perdu 1 % de personnel par an pendant 10 ans. Ce n’est pas beaucoup, mais c’est quand même important quand on fait face à des défis qui augmentent. Nous avons perdu -10 % de moyens entre 2010 et 2020 et on a augmenté de 20 à 30 % nos sujets. Est ce qu’il faut aller plus loin dans les économies ? C’est un choix de souveraineté. Pourra-t-on atteindre, en France, une souveraineté agricole et alimentaire si on n’a pas une souveraineté scientifique ? Devons-nous être plus faible que les Brésiliens (nos collègues de l’Embrapa sont 9 000) ?, rappelle le PDG de l’Inrae. Ce matin, au conseil d’administration d’Inrae, nous avons pris en compte une suppression de 16 M€ au budget, demandée par le ministère du Budget. Cela n’a pas été de gaieté de cœur ».
Une tendance qui fait dire à Philippe Mauguin : « Il faut être honnête, nous allons être décrochés vis-à-vis de la Chine au vu de leurs moyens. Est-ce que je peux prendre l’engagement que nous restions dans les trois premiers au niveau mondial avec les moyens actuels de l’Inrae ? Je ne peux pas le garantir. »
« Comment peut-on faire des gains d’efficience ? Par des partenariats entre les unités expérimentales d’Inrae et les fermes des instituts techniques. Il faut que nous rendions plus efficients nos collègues des instituts techniques qui sont dans la même dynamique que nous. Nous devons aussi faire des économies sur la gestion de nos unités mixtes de recherche avec les universités », propose le PDG.