« Sept ans pour développer une technique agroécologique », Sébastien Picault, CTIFL
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Le CTIFL de Carquefou teste des pratiques biologiques innovantes contre les ravageurs des cultures. Les résultats sont prometteurs mais dépendent des types de bioagresseurs et des cultures. L’approche reste complexe et de longue haleine.
Le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes de Carquefou, situé près de Nantes, teste des pratiques innovantes en agriculture biologique. Sur les légumes, le CTIFL a entrepris des tests de lutte contre les pucerons en utilisant des plantes de service positionnées dans les parcelles : des plantes dites « banques », et des plantes nectarifères. L’objectif est d’attirer les auxiliaires, comme les syrphes et les coccinelles, dans le tunnel de production, et que les larves puissent y rester, en leur fournissant des ressources nutritives. « Cette approche relève de la lutte biologique par conservation, explique Sébastien Picault, ingénieur expert en agroécologie et lutte biologique en maraîchage. Nous souhaitons que ces insectes pondent des œufs dans le tunnel de culture et que les larves restent : il faut alors des plantes qui attirent les insectes, et des plantes pour nourrir les larves afin qu’elles restent dans le tunnel. »
« Nous créons un agroécosystème suppresseur de pucerons »
Les plantes nectarifères utilisées sont composées d’Alysse saxalyte, de pissenlit ou encore sainfoin. Les plantes « banque » incluent des orties, des achillées millefeuilles, etc. « Les pucerons se développent particulièrement sur les orties », justifie-t-il. Les essais ont débuté cette année sur la courgette, tandis que c’est la septième année de tests sur l’aubergine. « En aubergine, cette technique a permis d’éviter une perte de revenu de 37 %, se réjouit l’ingénieur du CTIFL. Nous allons observer si cela fonctionne sur la courgette, puis nous testerons sur le melon, où nous attendons de meilleurs résultats. C’est une stratégie de lutte qui nous satisfait car il n’y a pas de traitement. Nous créons un agroécosystème suppresseur de pucerons ! »
Des difficultés avec d’autres ravageurs
Cependant, cette stratégie ne fonctionne pas toujours. « Nous n’avons pas réussi pour le thrips du poireau, il y avait même un effet délétère sur la production, reconnaît-il. La lutte contre le thrips ne peut pas se gérer comme celle du puceron. » Le centre envisage donc une autre technique : l’utilisation de plantes répulsives dont l’odeur repousse les thrips. « Nous menons des tests olfactométriques et nous screenons les plantes les plus intéressantes qui repoussent ces insectes. »
Des tests avec des huiles essentielles depuis 2023
Le CTIFL collabore avec l’Institut de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, Inrae, afin de développer une technique de lutte contre la mouche du chou, en utilisant des plantes répulsives comme la rue officinale, le thym, la coriandre et la sarriette. « Nous testons depuis 2023 également des huiles essentielles de thym, coriandre, et sarriette pour éviter la perte de terre, explique Sébastien Picault. Nous essayons d’encapsuler les huiles essentielles sous forme de grains. Les résultats sont positifs. »
Une approche complexe et de longue haleine
Ces systèmes agroécologiques sont complexes à mettre au point. « Nous estimons qu’il faut sept ans pour développer une technique agroécologique », souligne Sébastien Picault, illustrant ainsi le long processus de recherche et de mise en place de méthodes innovantes et respectueuses de l’environnement pour la protection des cultures.
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Sur la courgette, le CTIFL a entrepris des tests de lutte contre les pucerons en utilisant des plantes de service positionnées dans les parcelles : des plantes dites « banques », et des plantes nectarifères, pour attirer les auxiliaires et nourrir leurs larves.[/caption]