Agrostratégie

« Ce congrès est un appel à l’action et à l’unité », Dominique Chargé, président de LCA

Le | Conseil & distribution

« Alors que l’ONU a déclaré 2025 année internationale des coopératives, ce congrès est un appel à l’action et à l’unité », déclare Dominique Chargé, président de La Coopération Agricole, à l’occasion du congrès des coopératives agricoles à Paris le 18 décembre 2024. Crises, simplification réglementaire, origine France et Mercosur, attentes vis-à-vis de la politique nationale et européenne, séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires : Dominique Chargé revient sur les sujets qui occupent les coopératives agricoles.

« Ce congrès est un appel à l’action et à l’unité », Dominique Chargé, président de LCA
« Ce congrès est un appel à l’action et à l’unité », Dominique Chargé, président de LCA

« Nous évoluons dans un monde en crise permanente »

    • « Au lendemain de la crise Covid, alors que partout en France, malgré les difficultés, nous avions tenu la chaîne alimentaire pour éviter les pénuries et les ruptures d’approvisionnement, nous étions convaincus qu’un nouvel élan était possible pour notre secteur, alors reconnu à sa juste place. Pourtant, depuis deux ans, c’est l’amnésie collective. Notre capacité à reconstruire les bases saines et sereines d’un avenir fondé sur le bien commun s’est peu à peu émiettée avec l’inflation et la dette publique.

    Les valeurs occidentales érigées en modèle ces 50 dernières années sont de plus en plus contestées, et nos économies riches peinent à se régénérer.

    • Nous évoluons dans un monde en crise permanente :

      • une crise climatique, avec des aléas de plus en plus fréquents et intenses qui n’épargnent aucune région, aucune filière.

      • des crises sanitaires : fièvre catarrhale ovine, maladie hémorragique épizootique, grippe aviaire. La pression est constante sur nos activités d’élevage.

      • des crises économiques, avec la flambée des coûts de production, la volatilité des marchés, et les distorsions de concurrence face aux importations qui fragilisent encore davantage notre compétitivité.

      • une crise de la consommation, qui se traduit par un changement de comportement durable de nos concitoyens qui, désormais, mangent moins, moins cher, et différemment.

      • une crise démographique, caractérisée par un vieillissement des populations occidentales et une explosion démographique dans les pays émergents.

        • Pour surmonter ces crises, il nous faut une ambition forte et une réponse politique à la hauteur des enjeux.

        • La crise politique et institutionnelle qui secoue notre pays a l’effet d’un poison, et il est urgent de trouver l’antidote. De gouvernement en gouvernement, de propositions en projet de loi, de dissolution en censure, les promesses vont bon train. Mais aucun résultat. »

        « La nécessité vitale de simplification pour sortir de l’inertie réglementaire »

          • « En septembre 2023, La Coopération Agricole a lancé l’alerte en appelant à un choc de simplification et de compétitivité. J’ai partagé notre inquiétude face au risque de décrochage de nos filières agricoles et de notre industrie. Des pans entiers de notre industrie sont menacés, entraînant dans leur sillage le déclin de nos emplois et de nos territoires, aggravant encore davantage la fracture entre les grandes métropoles et le reste du pays. Nous sommes à un moment crucial de l’évolution de nos économies mondialisées.

          • La sortie du rapport de Mario Draghi sur la compétitivité a permis de mettre un chiffre sur ce décrochage : 800 milliards d’euros par an d’investissement pour redresser la marge. Ce rapport pose également la nécessité vitale de simplification pour sortir de l’inertie réglementaire. En cinq ans, l’Europe a produit trois fois plus de textes réglementaires que les États-Unis. Je regrette toutefois que ce rapport ne mentionne pas l’alimentation comme un secteur industriel prioritaire dans lequel il est stratégique d’investir pour assurer notre autonomie et réduire notre dépendance aux importations. »

          « Exigeons de l’origine France dans les campings, nos supermarchés, nos restaurants et dans les assiettes de tous les élèves »

            • « Sur le Mercosur, il faut saluer la quasi-unanimité des parlementaires français et celle des organisations agricoles réunies au sein du Copa-Cogeca. Mais cela ne suffira pas. Nous aurons besoin d’une voie politique forte pour tenir le cap et fédérer autour de la France les États qui s’opposent à cet accord. Nous sommes favorables aux échanges. Nous faisons de l’export un levier de compétitivité. Mais nous nous opposons fermement aux échanges qui mettent notre agriculture en situation de concurrence déloyale.

            Faisons de la commande publique un levier de compétitivité. Le patriotisme économique doit d’abord passer par l’État et les collectivités. Exigeons de l’origine France dans les campings, nos supermarchés, dans nos restaurants et dans les assiettes de tous les élèves de la maternelle aux universités. »

            « Nous devons réinvestir les productions d’entrée et de cœur de gamme »

              • « La course au prix toujours plus bas fragilise notre agriculture et nos entreprises. Nous entendons le souhait de nos concitoyens pour une alimentation plus accessible et plus en phase avec leurs attentes. Pour cela, nous devons être en mesure de produire l’alimentation qui correspond à leurs choix. Nous devons réinvestir les productions d’entrée et de cœur de gamme que nous avons trop délaissées ces dernières années. Cela nécessite d’investir et de moderniser nos exploitations et nos usines, et de franchir les murs réglementaires qui se dressent face à nous.

              • Pour reconquérir des parts de marché en entrée et cœur de gamme sur la volaille et reprendre 20 % de ce que nous importons, il nous faut construire 80 bâtiments par an pendant cinq ans.

              • Nous devons rebâtir les conditions d’un dialogue apaisé avec la société en faisant mieux comprendre nos intérêts et nos enjeux partagés. L’innovation doit être encouragée et soutenue, et la recherche doit être connectée aux enjeux du terrain pour apporter des solutions que les agriculteurs et les coopératives pourront alors déployer. »

              « Le législateur doit nous libérer de la loi de séparation de la vente et du conseil »

                • « Le législateur doit absolument nous libérer de cette loi de séparation de la vente et du conseil, qui entrave les agriculteurs et met en risque leur coopérative dans le déploiement des solutions agroécologiques et l’accompagnement dans les transitions. Cela nous met évidemment dans un risque juridique, car la séparation des activités n’est pas simple. Nous avons plusieurs véhicules législatifs en cours, mais qui sont aujourd’hui en stand-by.

                • Le Conseil stratégique phyto, CSP, est inadapté comme levier. Ce sujet mérite toutefois d’être traité. Nous allons voir s’il ne serait pas possible de mettre un volet additionnel au Certiphyto. »

                « Davantage de coopération entre le niveau européen et les niveaux nationaux »

                  • « J’en appelle à notre futur gouvernement et à nos parlementaires :

                    • Abondez un fonds de transitions, pour nous permettre d’en accélérer la diffusion.

                    • Relancez et encouragez les investissements pour restaurer nos performances économiques, notamment au moyen du fonds destiné au soutien aux industries agroalimentaires annoncé en février 2023.

                    • Rassurez les Français, les entreprises, les investisseurs, en vous attelant à une réforme en profondeur du fonctionnement de l’État. Le recours à l’impôt et à la taxation ne peut pas être la seule voie pour traiter le sujet de la dette publique.

                    • Rétablissez le cap, redonnez-nous de la stabilité.

                      • L’Europe ne doit plus être une addition de pays. Elle doit assumer sa puissance stratégique, pas seulement comme un marché de consommateurs, mais aussi comme une force de production. Pour y parvenir, il faudra davantage de coopération entre le niveau européen et les niveaux nationaux pour développer une politique industrielle et alimentaire intégrée.

                      • Le dialogue stratégique mené par une trentaine d’organisations du secteur agricole et alimentaire a jeté les bases de nouvelles cultures d’engagement et de coopération, montrant qu’il est possible de créer de la confiance et du commun entre des acteurs aux intérêts divergents. »

                      « L’ONU a déclaré 2025 année internationale des coopératives »

                        • « Alors que l’ONU a déclaré 2025 année internationale des coopératives, ce congrès est donc un appel à l’action et à l’unité. Il se veut un moment de rassemblement, de réflexion et de démonstration de notre détermination à construire la France agricole et alimentaire de demain en coopérant plutôt qu’en s’opposant. Le collectif est la clé de la réussite. Travaillons ensemble pour redonner à notre agriculture et à notre industrie agroalimentaire la place qu’elles méritent. Faisons de la coopération une source inépuisable de progrès de génération en génération. »

                        « Encourager les femmes à s’impliquer dans la gouvernance »

                          • « Il est impératif d’encourager les femmes agricultrices, qui représentent, selon les secteurs, entre 20 et 30 % de la population agricole, à s’impliquer davantage dans l’organisation et la gouvernance de nos coopératives, nous devons mieux prendre en compte leurs particularités, notamment en ce qui concerne leur rythme de vie. À terme, il ne sera plus acceptable de dire « Nous avons mis un homme à ce poste faute d’avoir trouvé une femme ». Nous devrons parfois accepter de laisser des postes vacants tant qu’une femme qualifiée n’aura pas été identifiée pour les occuper. »

                          Dominique Chargé, président de LCA